Ces loricae ont également un aspect magique. Ce
sont réellement des incantations. Plus que des prières au
sens romain du terme, c'est-à-dire des méditations, ce sont
avant tout des charmes destinés à fléchir la volonté
de Dieu et lui faire accomplir les actions qu'on lui demande. Il y a dans
ces loricae quelque chose de commun avec le redoutable geis celtique, cette
incantation magique qu'on lançait parfois sur quelqu'un et dont
le caractère était obligatoire sous peine de mort, de honte
ou de rejet de la communauté. Par certains aspects, ces loricae
sont en fait des prières contre Dieu. Encore une fois, nous
retrouvons, à travers cette pratique, le souci des moines celtes
d'être avant tout des héros capables, par le dépassement
et la force intérieure, de modifier le destin. L'idée n'est
pas chrétienne. Il ne s'agit pas de soumission à la volonté
divine: au contraire, le but recherché est de soumettre Dieu à
la volonté humaine. C'est un thème qui est de toute évidence
druidique, et que l'on retrouve dans la pensée d'un Pélage,
pour qui, seule la volonté pouvait permettre à l'homme de
se sauver.
D'ailleurs, ces loricae, comme le fameux «jeûne
contre Dieu» de Patrick et des grands saints irlandais, ont des affinités
avec des rituels magiques en usage dans le chamanisme. Ces loricae remontent
très loin dans la préhistoire des Celtes. Et elles ont survécu
dans des formules liturgiques, les litanies notamment, ainsi que dans des
prières populaires. Comme on leur a attribué des vertus particulières
à différentes époques, et qu'elles ont été
rejetées par le clergé officiel, elles ont été
récupérées bien souvent par les sorciers de village
et par les guérisseurs de toutes sortes, lesquels affirment toujours,
même à notre époque, que leur pouvoir de guérison
provient d'une formule qu'ils récitent en «touchant»
le malade, formule bien entendu secrète et qu'ils ne transmettent
qu'à un successeur désigné ou choisi par eux.
- Jean Markale
Matthieu 6:7 En priant, ne multipliez pas de vaines paroles,
comme les païens, qui s'imaginent qu'à force de paroles,
ils seront exaucés. 8 Ne leur ressemblez pas, car votre Père
sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez.
1Jean 5:14 Nous avons auprès de lui cette assurance,
que si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute.
15 Et si nous savons qu'il nous écoute, quelque chose que
nous demandions, nous savons que nous possédons la chose que nous
lui avons demandée.
Manifestement, les moines celtes et les catholiques qui
les ont imité par après avec leurs litanies ont mis en oubli
cet avertissement de Jésus. Il est tout à fait prétentieux
de penser faire fléchir Dieu à force de lui répéter
sans cesse les mêmes choses, il n'est tout de même pas le juge
inique de la parabole.
Plutôt, l'attitude du chrétien dans la prière
est celle qu'avait Jésus, qui était prêt à mettre
sa volonté de côté pour faire celle de son Père.