Solennel avertissement à ceux qui font profession de piété
Car il y en a plusieurs qui ont une telle conduite, que je vous ai dit
souvent et que je vous le dis maintenant encore en pleurant, qu'ils
sont ennemis de la croix de Christ ; dont la fin sera la perdition ;
qui ont leur ventre pour Dieu, qui mettent leur gloire, dans ce qui est
leur confusion, et qui attachent leurs affections aux choses de la
terre.
(Phi 3:18,19).
MES CHERS AUDITEURS,
Saint Paul nous offre le
modèle accompli d'un ministre chrétien. Pasteur vigilant, il se
préoccupait sans cesse du troupeau confié à ses soins. Il ne se bornait
pas à prêcher l'Evangile et ne croyait pas avoir rempli tout son devoir
en annonçant le salut ; mais ses yeux étaient toujours ouverts sur les
Eglises qu'il avait fondées, suivant avec un intérêt jaloux ou leurs
progrès ou leur déclin dans la foi. Lorsqu'il dut aller proclamer
ailleurs l'Evangile éternel, il ne cessa point de veiller au bien-être
spirituel de ces brillantes colonies chrétiennes de la Grèce et de
l'Asie-Mineure, qu'il avait semées au milieu des ténèbres du paganisme,
et tandis qu'il allumait de nouvelles lampes au flambeau de la vérité,
il n'avait garde de négliger celles qui brûlaient déjà. C'est ainsi que
dans notre texte il donne à la petite Eglise de Philippes une preuve de
sa sollicitude, en lui adressant des conseils et des avertissements.
Et l'Apôtre n'était pas moins fidèle que vigilant. Lorsqu'il
voyait du péché dans les Eglises, il n'hésitait pas à le leur signaler.
Il ne ressemblait point au plus grand nombre de nos modernes
prédicateurs, qui se vantent de n'avoir jamais été personnels ou
blessants, et qui mettent ainsi leur gloire dans ce qui est leur
confusion ; car eussent-ils été fidèles, eussent-ils exposé sans
ménagements tout le conseil de Dieu, ils auraient infailliblement, une
fois ou l'autre, blessé la conscience de leurs auditeurs. Paul agissait
tout différemment : il ne craignait pas d'attaquer de front les
pécheurs, et non seulement il avait le courage de déclarer la vérité,
mais il savait au besoin insister sur cette vérité : « Je vous l'ai dit
souvent et je vous le dis maintenant encore, que plusieurs parmi vous
sont ennemis de la croix de Christ. »
Mais si, d'une part, l'Apôtre était fidèle, de l'autre, il était plein
de tendresse. Il aimait véritablement, comme tout ministre de Christ
devrait le faire, il aimait véritablement les âmes dont il avait
charge. S'il ne pouvait souffrir qu'aucun membre des Eglises placées
sous sa direction s'écartât de la vérité, il ne pouvait non plus les
reprendre sans verser des larmes. Il ne savait pas brandir la foudre
d'un oeil sec, ni dénoncer les jugements de Dieu d'un ton froid et
indifférent. Des pleurs jaillissaient de ses yeux, tandis que sa bouche
prononçait les plus terribles menaces, et quand il censurait, son coeur
battait si fort de compassion et d'amour, que ceux-là même auxquels il
s'adressait ne pouvaient douter de l'affection qui lui dictait ses
censures : « Je vous l'ai dit souvent et je vous le dis maintenant
encore en pleurant. »
Mes bien-aimés, l'avertissement solennel que Paul adressait autrefois
aux Philippiens dans des paroles de mon texte, je viens vous le faire
entendre aujourd'hui à vous-mêmes. Et cet avertissement, je le crains,
est non moins nécessaire de nos jours que du temps de l'Apôtre, car de
nos jours comme, alors, il y en a plusieurs dans les Eglises dont la
conduite témoigne hautement qu'ils sont ennemis de la croix de Christ.
Que dis-je ? Le mal, bien loin de diminuer, me semble gagner chaque
jour du terrain.
Il y a dans notre siècle un plus grand nombre de personnes qui font
profession de piété que dans celui de saint Paul, mais il y a aussi
plus d'hypocrites. Nos Eglises, je le dis à leur honte, tolèrent dans
leur sein des membres qui n'ont aucun droit à ce titre, des membres qui
seraient fort bien placés dans une salle de festin ou dans tout autre
lieu de dissipation et de folie, mais qui jamais ne devraient tremper
leurs lèvres dans la coupe sacramentelle ou manger le pain mystique,
emblème des souffrances de notre Seigneur. Oui, en vain chercherait-on
à se le dissimuler, il en est plusieurs parmi nous - (et si tu
revenais, à la vie, ô Paul ! combien ne te sentirais-tu pas pressé de
nous le dire, et quelles larmes amères ne verserais-tu pas en nous le
disant !...) - il en est plusieurs parmi nous qui sont ennemis de la
croix de Christ, et cela parce qu'ils ont leur ventre pour Dieu, qu'ils
attachent leurs affections aux choses de la terre, et que leur conduite
est en complet désaccord avec la sainte loi de Dieu.
Je me propose, mes frères, de rechercher avec vous la cause de la
douleur extraordinaire de l'Apôtre. Je dis : douleur extraordinaire,
car l'homme que mon texte nous représente comme versant des larmes,
n'était pas, vous le savez, un de ces esprits faibles, d'une
sensibilité maladive et toujours prêts à s'émouvoir. Je ne lis nulle.
part dans l'Ecriture que l'Apôtre pleura sous le coup de la
persécution. Lorsque, selon l'expression du Psalmiste, l'on traçait des
sillons sur son dos, lorsque les soldats romains le lacéraient de leurs
verges, je ne sache pas qu'une seule larme ne soit échappée de ses
yeux. Etait-il jeté en prison ? Il chantait et ne gémissait pas. Mais
si jamais Paul ne pleura par suite des souffrances auxquelles il
s'exposait pour l'amour de Christ, il pleura, nous le voyons, en
écrivant aux Philippiens. La cause de ses larmes était triple : il
pleurait d'abord, à cause: DU PÉCHÉ de certains membres de l'Eglise ;
en second lieu, à Cause DES FACHEUX EFFETS DE LEUR CONDUITE, et enfin,
à cause du SORT qui les attendait.
I
D'abord, avons-nous dit, Paul pleurait à cause du PÉCHÉ de ces
formalistes qui, bien que faisant extérieurement partie d'une Eglise
chrétienne, ne marchaient pas de droit pied devant Dieu, et devant les
hommes. Et remarquez l'accusation qu'il porte contre eux : Ils ont leur
ventre pour Dieu, écrit-il. Leur sensualité : tel est donc le premier
péché que leur reproche l'Apôtre.
Il y avait, en effet, dans l'Eglise primitive, des gens qui après
s'être assis à la table du Seigneur, allaient participer aux banquets
des païens, et là se, livraient sans contrainte aux excès du manger et
du boire. D'autres, s'abandonnant aux abominables convoitises de la
chair, se plongeaient dans ces plaisirs (faussement ainsi nommés), qui
non seulement perdent l'âme, mais qui infligent au corps lui-même son
juste châtiment. D'autres encore, sans tomber dans d'aussi honteux
débordements, se préoccupaient beaucoup plus de la parure du dehors que
de celle du dedans, de la nourriture de l'homme extérieur que de la vie
de l'homme intérieur ; en sorte que tout autant que les précédents,
quoique d'une autre manière, ils se faisaient un Dieu de leur ventre.
- Eh bien mes chers auditeurs, je vous le demande, ce grave reproche de
l'Apôtre nous est-il moins applicable qu'à l'Eglise de Philippes ? Nous
serait-il impossible de trouver parmi les membres de nos troupeaux des
personnes qui déifient en quelque sorte leur propre chair, qui se
rendent à elles-mêmes un culte idolâtre, qui s'inclinent devant la
partie la plus grossière, la plus matérielle de leur être ? N'est-il
pas notoire, n'est-il pas incontestable, au contraire, qu'il est des
hommes faisant profession de piété qui caressent leur chair, qui
flattent leurs appétits sensuels tout autant que des mondains déclarés
pourraient le faire ? N'y en a-t-il pas qui sont amateurs des plaisirs
de la table, qui se délectent dans le bien-être, dans le luxe, dans les
voluptés de la vie présente ? N'y en a-t-il pas qui dépensent sans
scrupule toute une fortune pour l'ornement de leur corps périssable,
sans songer qu'en se parant ainsi eux-mêmes, ils déparent la cause du
Sauveur qu'ils prétendent servir ? N'y en a-t-il pas dont l'affaire de
tous les instants consiste à rechercher leurs aises, et dont la chair
et le sang n'ont jamais eu lieu de se plaindre, car non seulement ils
en sont les esclaves, mais encore ils en font leur Dieu ?...
Ah ! mes frères, il y a de grandes taches dans l'Eglise, il y a de
grands scandales. Des brebis tarées se sont introduites dans le
troupeau. De faux frères se glissent parmi nous, comme des serpents
sous l'herbe, et le plus souvent on ne les découvre que lorsqu'ils ont
infligé une douloureuse blessure à la religion et occasionné un sérieux
dommage à la glorieuse cause de notre Maître. Je le répète avec une
profonde tristesse, mais avec une pleine conviction, il y en a
plusieurs dans nos Eglises - (et je parle également des Eglises
dissidentes et de l'Eglise établie) ( M. Spurgeon lui-même appartient à
une Eglise dissidente.) - auxquels ne s'appliquent que trop bien ces
sévères paroles de l'Apôtre : Ils ont leur ventre pour Dieu.
Un second reproche que Paul adressait aux prétendus chrétiens de
Philippes était qu'ils attachaient leurs affections aux choses de la
terre.
Mes bien-aimés, il se peut que l'accusation précédente n'ait pas
atteint vos consciences ; mais, en présence, de celle-ci, il me semble
bien difficile que vous puissiez trouver un échappatoire. Il y a plus :
j'affirme que le mal signalé ici par l'Apôtre a envahi de nos jours la
majeure partie de l'Église de Christ. Pour s'en convaincre, il suffit
d'ouvrir les yeux à l'évidence.
Ainsi, par exemple, c'est une anomalie, mais c'est un fait qu'il existe
aujourd'hui des chrétiens ambitieux. Le Sauveur a déclaré, il est vrai,
que celui qui veut être élevé doit s'abaisser lui-même ; aussi,
pensait-on autrefois que le chrétien était un homme simple, modeste,
s'accommodant aux choses basses ; mais dans notre siècle il n'en est
plus ainsi.
Parmi les prétendus disciples de l'humble Galiléen, il est, au
contraire, des gens qui aspirent à parvenir au premier échelon des
grandeurs humaines, et dont l'unique pensée est, non de glorifier
Christ, mais de se glorifier eux-mêmes à tout prix.
- C'est ainsi encore..... (honte à vous, ô Eglises !) que nous comptons
dans nos rangs des personnes qui, tout en ayant certaines apparences de
piété, ne sont pas moins mondaines que les plus mondains, et qui ne
savent pas plus ce qu'est l'Esprit de Christ que les plus charnels des
gens du dehors.
- C'est ainsi également qu'il y a des chrétiens avares. Sans doute,
c'est encore un paradoxe : autant vaudrait parler, ce semble, de la
souillure des séraphins ou de l'imperfection de la perfection que de
l'avarice d'un disciple de Jésus ; et pourtant (j'en appelle à chacun
de ceux qui m'entendent), ne rencontre-t-on pas tous les jours des
soi-disant chrétiens dont les cordons de bourse ne se délient que
difficilement au cri du pauvre, qui décorent leur amour de l'argent du
nom de prudence, et qui, au lieu de faire servir leurs biens à
l'avancement du règne de Christ, ne pensent qu'à thésauriser ! Je vais
plus loin, et je dis que si l'on veut trouver des hommes inflexibles en
affaires, avides de s'enrichir, durs envers leurs créanciers, des
hommes rapaces, sordides, déloyaux, qui, à l'exemple des Pharisiens
d'autrefois, ne se font pas scrupule de dévorer les maisons des veuves,
je dis que si l'on veut trouver de tels hommes, c'est souvent au sein
de nos Eglises qu'il faut aller les chercher. Mes frères, cet aveu, je
rougis de le faire, mais je le dois, car c'est la vérité.
Oui, parmi les membres les plus considérés de nos troupeaux, parmi
ceux-là même qui occupent des charges ecclésiastiques au milieu de
nous, vous en trouverez qui attachent leurs affections aux choses de la
terre, et qui ne possèdent absolument rien de cette vie cachée avec
Christ en Dieu, sans laquelle il n'existe point de vraie piété. Ai-je
besoin de l'ajouter ? ces grands maux ne sont pas les fruits d'une
saine religion, mais bien ceux d'un vain formalisme. Dieu en soit béni,
le résidu des élus est préservé de ces funestes tendances, mais la
masse des chrétiens de nom qui envahit nos Eglises, en est atteinte
d'une manière déplorable.
Un dernier trait par 'lequel l'Apôtre caractérise les faux frères de
Philippes est celui-ci : Ils mettent leur gloire dans ce qui est leur
confusion. C'est bien là, en effet, une disposition naturelle au
formaliste. Il tire vanité de ses péchés mêmes ; bien plus : il les
appelle des vertus. Son hypocrisie est de la droiture ; son faux zèle,
de la ferveur. Les subtils poisons de Satan, il les revêt de
l'étiquette des salutaires remèdes de Christ. Ce qu'il nommerait vice
chez les autres, il le nomme qualité chez lui-même. S'il voyait son
prochain commettre la même action qu'il vient d'accomplir tout à
l'heure, si la vie de celui-ci offrait l'image parfaite de la sienne
propre, oh ! comme il tonnerait contre lui ! Son empressement à
s'acquitter des devoirs extérieurs de la religion est exemplaire ; il
est le plus strict des sabbatistes, le plus scrupuleux des Pharisiens,
le plus austère des dévots. S'agit-il de relever la moindre faiblesse
dans la conduite d'autrui, nul ne le dépasse en habileté ; et tandis
qu'il caresse tout à son aise son péché favori, il ne regarde les
fautes de ses frères qu'à travers un verre grossissant. Quant à sa
conduite à lui, elle n'est du ressort de personne. Il peut pécher avec
impunité ; et si son pasteur se hasardait à lui adresser quelques
observations, il s'indignerait et crierait à la calomnie. Les
remontrances pas plus que les avertissements ne l'atteignent. N'est-il
pas un membre de l'Eglise ? N'en accomplit-il pas exactement les rites
et les ordonnances ? Qui oserait mettre en doute sa piété ?
- Oh ! mes frères, mes frères, ne vous faites, point illusion !
Beaucoup de prétendus membres de l'Eglise seront un jour membres de
l'enfer. Beaucoup d'hommes admis dans l'une ou l'autre de nos
communions chrétiennes, qui ont reçu les eaux du baptême, qui
s'approchent de nos tables sacrées, qui peut-être même ont la
réputation d'être vivants, n'en sont pas moins, sous le rapport
spirituel, aussi morts que des cadavres dans leurs sépulcres. Il est si
facile aujourd'hui de se faire passer pour un enfant de Dieu ! En fait
de renoncement, d'amour pour Christ, de mortification de la chair, on
est peu exigeant apprenez seulement quelques cantiques, débitez
quelques banalités pieuses, quelques phrases de convention, et vous en
imposerez aux élus mêmes. Attachez-vous à une Eglise quelconque ;
conduisez-vous extérieurement de telle sorte qu'on puisse vous dire
respectable, et si vous ne parvenez pas à tromper les plus
clairvoyants, du moins vous aurez une réputation de piété assez bien
établie pour vous permettre de marcher, le coeur léger et la conscience
à l'aise, dans le chemin de la perdition...
Je le sais, mes bien-aimés, je dis des choses dures, mais ce sont des
choses vraies, c'est pourquoi je ne puis les taire. Mon sang bouillonne
quelquefois dans mes veines, lorsque je rencontre des hommes dont la
conduite me fait honte, à côté desquels j'oserais à peine m'asseoir, et
qui pourtant me traitent avec assurance de « Frère ». Quoi ? ils vivent
dans le péché, et ils nomment un chrétien leur (frère ! Je prie Dieu de
leur pardonner leur égarement ; mais je le déclare, je ne puis en
aucune façon fraterniser avec eux ; je ne le veux même pas, jusqu'à ce
qu'ils se conduisent d'une manière digne de leur vocation.
Assurément, tout homme qui se fait un Dieu de son ventre et qui met sa
gloire dans ce qui est sa confusion, est bien coupable ; mais lorsque
cet homme se drape du manteau de la religion, lorsqu'il connaît la
vérité, qu'il l'enseigne même au besoin, qu'il fait ouvertement
profession d'être un serviteur de Christ, combien n'est-il pas plus
coupable encore ! Concevez-vous, mes frères, un crime plus épouvantable
que celui de l'audacieux hypocrite qui, mentant à Dieu et à sa
conscience, déclare solennellement qu'il appartient au Seigneur et que
le Seigneur lui appartient, puis qui s'en va vivre comme vit le monde,
marche suivant le train du présent siècle, commet les mêmes injustices,
poursuit les mêmes buts, use des mêmes moyens que ceux qui ne se sont
jamais réclamés du nom de Christ ?..... Ah! s'il y avait dans cette
assemblée quelqu'un qui dut s'avouer que ce péché est le sien, qu'il
pleure, oui, qu'il pleure des larmes de sang, car l'énormité de son
forfait est plus grande qu'on ne saurait dire !
II
Mais si l'Apôtre pleurait, comme nous venons de le voir, à cause du
péché de ces hommes qui n'avaient de chrétien que le nom, il pleurait
plus encore peut-être à cause DES FÂCHEUX EFFETS DE LEUR CONDUITE, car
il ajoute ce mot si énergique dans sa brièveté : Ils sont ennemis de la
croix de Christ. Oui, tu dis vrai, ô Paul ! Sans doute, le sceptique,
l'incrédule sont des ennemis de la croix de ton Maître ; le
blasphémateur, le profane, le sanguinaire Hérode le sont aussi ; mais
les ennemis par excellence, de cette croix sacrée, les soldats d'élite
de l'armée de Satan, ce sont ces chrétiens pharisaïques, blanchis au
dehors d'une couche de piété, mais remplis au dedans, de toute sorte de
pourriture.
Oh ! il me semble qu'à l'exemple de l'Apôtre, tout enfant de Dieu
devrait verser des larmes brûlantes, à la pensée que les plus rudes
coups portés à l'Evangile lui viennent de ceux-là même qui s'en disent
les disciples. Il me semble qu'il devrait éprouver une douleur à nulle
autre pareille en voyant Jésus blessé chaque jour par ceux qui
prétendent être à lui. Regardez ! Voici :mon Sauveur qui s'avance, les
pieds et les mains ensanglantés..... Oh! mon Jésus, mon Jésus ! Qui à
fait couler de nouveau ton sang ? Que signifient ces blessures ?,
Pourquoi as-tu l'air si triste ? - « J'ai été blessé, répond-il, et où
penses-tu que j'aie reçu le coup ? » - Sûrement, Seigneur; tu as été
blessé dans la maison d'intempérance ou de débauche, tu as été blessé
au banc des moqueurs ou dans l'assemblée des impies. - « Non, dit Jésus
; j'ai été blessé dans la maison de mes amis (Za 8:6) ; ces plaies
m'ont été faites par des hommes qui portent mon nom, s'assoient à ma
table et parlent mon langage. Ce sont eux qui m'ont percé, qui m'ont
crucifié de nouveau, qui m'ont livré à l'ignominie...... »
Percer Christ, le livrer à l'ignominie tout en faisant profession
d'être à lui ! ne semble-t-il pas, mes chers auditeurs, qu'un péché si
odieux ne devrait pas exister ? toutefois; hélas, il est plus commun
qu'on ne pense.
L'histoire rapporte que César expirant sous les coups de ses meurtriers
ne perdit son empire sur lui-même que lorsqu'il vit son ami Brutus
s'avancer pour le frapper à son tour. « Et toi, Brutus ! » s'écria-t-il
alors, et se couvrant la tête de son manteau, il pleura. De même, mes
frères, si Christ apparaissait au milieu de cette assemblée, ne
pourrait-il pas dire à plusieurs d'entre vous, en se voilant la face de
tristesse., ou plutôt en faisant éclater sa juste indignation : « Et
toi, qui t'es introduit dans mon Eglise, et toi qui te dis mon
disciple, me frappes-tu aussi ?..... »
Si je dois être vaincu dans la bataille, que ce soient mes opposants
qui me vainquent, mais que du moins mes alliés, ne me trahissent pas.
Si la citadelle que je suis prêt à défendre jusqu'à mon dernier soupir
doit être prise, que l'ennemi y entre en marchant sur mon cadavre, mais
encore une fois, que mes amis ne me trahissent pas. Ah ! si le soldat
qui combat à mon côté me vendait à mes adversaires, mon cœur serait
deux fois brisé ; il le serait d'abord par la défaite, et ensuite par
la trahison.
Lors des guerres religieuses que nos frères d'Helvétie eurent à
soutenir pour le maintien de leurs libertés, une poignée de protestants
défendaient vaillamment un défilé contre un corps d'armée considérable.
Quoiqu'ils eussent vu leurs frères, leurs amis, tomber à leurs côtés,
quoique eux-mêmes fussent épuisés de fatigue et prêts à défaillir, ils
n'en continuaient pas moins à combattre, avec une intrépidité héroïque.
Mais soudain, un cri se fait entendre, un cri perçant, un cri terrible
! L'ennemi gravit une éminence, et va envelopper la petite bande des
réformés. A cette vue, leur chef frémit d'indignation ; il grince des
dents, il frappe du pied, car il a compris qu'un traître, qu'un lâche
protestant a dû vendre. ses frères à leurs implacables ennemis. Se
tournant alors vers ses gens : « En avant ! » s'écrie-t-il, du ton d'un
homme qui n'espère plus. Et comme des lions qui fondent sur leur proie,
ces braves s'élancent au-devant de leurs ennemis, prêts maintenant à
mourir, puisqu'un des leurs les a trahis.
Mes frères, c'est un sentiment de cette nature qui s'empare du
courageux soldat de la croix quand il voit un de ses compagnons de
service déshonorer le drapeau de son divin Chef et trahir sa sainte
cause. Pour ma part, je n'hésite pas à le dire, ce que je crains, ce ne
sont pas les ennemis déclarés, ce sont les faux amis. Qu'il y ait mille
démons hors de l'Eglise plutôt qu'un seul dans son sein ! Ne nous
inquiétons pas des attaques de ceux du dehors ; mais prenons garde, oh
! prenons garde à ces loups ravissants qui viennent à nous en habits de
brebis. C'est contre eux que les ministres de la Parole doivent
dénoncer avec une sainte colère les terribles jugements de Dieu ; c'est
sur eux qu'ils doivent verser les plus amères de leurs larmes, car ils
sont les plus dangereux ennemis de la croix de Christ.
Mais précisons davantage et indiquons sommairement quelques uns des
fâcheux effets qui résultent de la présence des formalistes dans
l'Eglise.
En premier lieu, ils contristent et affligent singulièrement le corps
de Christ, c'est-à-dire l'ensemble des fidèles. Ils sont la cause, sans
contredit, des gémissements les plus douloureux qui se soient jamais
échappés du coeur des enfants de Dieu. Qu'un incrédule m'insulte: et me
couvre de boue dans la rue, je crois que je le remercierai de l'honneur
qu'il me fait, si je sais qu'il m'injurie pour le nom de Christ ; mais
si un soi-disant chrétien faisait rejaillir sur la cause de mon Maître
la souillure d'une vie déréglée, mon coeur serait navré au dedans de
moi, car je sais que de tels scandales sont plus préjudiciables à
l'Evangile que les bûchers et les tortures. Que tout homme qui hait le
Seigneur Jésus m'accable de malédictions, je ne verserai pas une seule
larme ; mais quand je vois un de ses prétendus disciples le renier et
le trahir, comment pourrais-je ne pas affliger mon âme et quel est le
chrétien qui ne s'affligerait pas avec moi ?
En second lieu, des faux frères amènent infailliblement
à leur suite des divisions dans l'Eglise. Je dis ceci avec la plus
entière persuasion si l'on remontait à la source de nos discordes
ecclésiastiques, l'on trouverait que toutes ou presque toutes doivent
être mises sur le compte des formalistes, qui, par leur conduite
inconséquente, ont obligé les chrétiens vivants à se séparer d'eux. Il
y aurait plus d'unité parmi nous si des hypocrites ne se glissaient pas
dans nos rangs ; il y aurait plus de cordialité, plus d'abandon, plus
d'amour fraternel, si ces habiles séducteurs ne nous avaient appris à
nos dépens à nous montrer réservés et soupçonneux. De plus, ils sont
toujours les premiers à parler mal des véritables croyants, et à semer
entre eux des querelles. Et de tout temps il en a été ainsi. Ce qui a
fait essuyer à l'Eglise de Dieu les plus graves dommages dont elle ait
jamais eu à souffrir, ce ne sont pas les traits meurtriers de ses
ennemis avoués ; non, ce sont les incendies secrètement allumés dans
son propre camp par des hommes, parés, il est vrai, du masque de la
piété, mais qui n'en étaient pas moins des espions et des traîtres.
Remarquons, en outre, que de telles gens font un mal incalculable aux
inconvertis. Que de pauvres pécheurs, qui commençaient à se tourner
vers Christ, sont retenu loin de lui par le scandaleux désaccord
existant entre la conduite et les principes de certains chrétiens ! Que
de piétés naissantes qui vont se briser chaque jour contre cette pierre
d'achoppement !
- Et ici, permettez-moi, mes frères, de vous raconter un fait qui
confirme, d'une manière saisissante, la vérité de ce que j'avance.
J'espère sentir moi-même tout ce qu'il a de sérieux et je prie Dieu de
vous le faire sentir également. Un jeune ministre, de passage dans une
église de village, y donna une prédication qui parut faire une profonde
impression sur l'auditoire. Un jeune homme en particulier fut tellement
remué par les paroles solennelles du prédicateur, qu'il résolut d'avoir
un entretien avec lui. A cet effet, il l'attendit à la sortie de
l'église, et offrit de l'accompagner à la maison où il logeait. Chemin
faisant, le ministre parla de tout, excepté de l'Evangile. Grande était
l'angoisse du jeune homme. Il se hasarda bien à poser à son compagnon -
une ou deux questions concernant le salut de son âme, mais celui-ci y
répondit froidement et d'une manière évasive, comme si le sujet était
de peu d'importance. Enfin, on arrive à la maison ; plusieurs personnes
s'y trouvaient réunies, et aussitôt notre prédicateur entame une
conversation des plus légères, qu'il assaisonne de force bons mots et
de force bouffonneries. Bientôt même, encouragé sans doute par les
rires approbateurs qui ont accueilli ses premières facéties, il
s'oublie au point de prononcer des paroles qu'on pourrait presque
appeler licencieuses. Indigné, hors de lui, le jeune homme se lève
brusquement ; il quitte sur le champ la maison, et lui, qui une heure
auparavant pleurait en entendant parler du Seigneur, s'écrie maintenant
avec rage : « La religion est un mensonge ! Dès ce moment, je ne crois
plus ni en Christ ni en Dieu. Si je suis damné, que mon âme soit
redemandée à cet homme, car c'est lui qui l'aura perdue !
Se conduirait-il comme il le fait, s'il était convaincu lui-même des
choses qu'il enseigne aux autres ? Non ! il est un vil hypocrite, et
désormais je ne veux plus écouter ni lui ni son Evangile. » Le
malheureux tint parole ; toutefois, lorsque, quelque temps après, il se
vit couché sur son lit de mort, il demanda à voir le jeune ministre.
Par une coïncidence remarquable, ce dernier, qui habitait d'ordinaire
une paroisse éloignée, se trouvait actuellement dans le village, où
Dieu l'avait reconduit, n'en doutons pas, afin qu'il y reçût la peine
de son péché. Sa Bible à la main, il entre dans la chambre du,
moribond, et s'apprêtait à lire et à prier, lorsque celui-ci l'arrête :
« Je vous ai entendu prêcher une fois, Monsieur », lui dit-il en le
regardant fixement. « Dieu soit béni ! » répond le ministre, croyant
sans doute avoir affaire à une âme convertie par son moyen. « Il n'y a
pas lieu de bénir Dieu, que je sache, continue froidement le malade ;
vous souvenez-vous d'avoir prêché ici, tel jour, sur tel texte ? – Oui
je m'en souviens parfaitement. - Eh bien, Monsieur, je tremblais en
vous écoutant ; je frémissais, j'étais éperdu. Je quittai l'église avec
l'intention ferme de fléchir le genou devant Dieu et de chercher son
pardon en Christ. Mais vous rappelez-vous certains propos que vous
tintes, le même soir, dans telle maison ? - Non, dit le ministre. - Il
faut donc que j'aide votre mémoire, Monsieur, reprend le moribond mais
avant tout, notez bien ceci : à votre conduite de ce soir-là, mon âme
doit d'être damnée, et aussi vrai que j'ai encore un souffle de vie,
aussi vrai je vous accuserai devant le tribunal de Dieu d'être la cause
de ma condamnation ! » Ayant dit cela, le malheureux ferma les yeux et
mourut.
- Je crois, mes frères, qu'il vous serait difficile de
concevoir ce qui se passait dans le coeur du ministre en s'éloignant de
ce lit funèbre... Toute sa vie, il devra traîner après lui cet
horrible, cet épouvantable remords : « Il y a une âme en enfer qui
m'accuse de sa perte !... »
Et un remords semblable, je le crains, pèsera un jour sur la conscience
de bien des membres de nos Eglises. Combien de jeunes gens, en effet,
ont été détournés de la sérieuse recherche de la vérité par les
censures âpres et amères de nos modernes Pharisiens ! Combien d'âmes
droites et sincères ont été prévenues contre la saine doctrine par la
conduite peu édifiante de ceux qui faisaient hautement profession d'y
adhérer ! Ah ! malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites ! car,
non seulement vous n'entrez point vous-mêmes dans le royaume des cieux,
mais vous empêchez d'y entrer ceux qui voudraient le faire ; vous vous
emparez de la clef de la connaissance, vous fermez à double tour par
vos infidélités la porte du salut, et vous chassez, par votre flagrante
hypocrisie, les âmes qui étaient disposées à s'en approcher !
Un autre déplorable effet de la conduite des chrétiens formalistes,
c'est qu'elle cause une grande joie au démon et à son parti. Peu
m'importe ce que disent les incrédules dans leurs livres ou leurs
discours : quelque habiles qu'ils soient (et certes ils ont bien besoin
de l'être pour prouver l'absurde et donner à l'erreur un semblant de
vérité), quelque habiles qu'ils soient, je le répète, peu m'importent
leurs attaques, aussi longtemps qu'elles ne s'appuient que sur des
mensonges. Mais quand ils peuvent nous adresser des reproches mérités,
quand les accusations qu'ils intentent à l'Eglise de Dieu sont fondées,
oh ! c'est alors qu'ils sont à craindre, et c'est alors aussi que Satan
triomphe. Qu'un homme se conduise en chrétien droit et intègre, il
désarmera bientôt la critique ; qu'il mène une vie sainte et
irrépréhensible, et on se lassera bientôt de rire à ses dépens ; mais
s'il cloche des deux côtés, s'il agit tantôt en chrétien, tantôt en
mondain, qu'il ne l'oublie pas, il fournit des armes aux adversaires et
leur donne occasion de blasphémer contre l'Evangile. Ah ! qui pourrait
dire les immenses avantages que le démon a remportés sur l'Eglise à
cause des infidélités de ceux qui prétendaient en être membres ? « Vous
dites et ne faites point, votre vie n'est pas en accord avec vos
principes » : telle est la plus redoutable machine de guerre avec
laquelle Satan bat en brèche la muraille de l'Eglise. Soyez donc sur
vos gardes, mes chers auditeurs ; veillez constamment sur vous-mêmes,
afin de ne pas déshonorer la cause que vous faites profession d'aimer.
Et ici, je me sens pressé de m'adresser en particulier à ceux d'entre
vous qui, comme moi, ont des vues très arrêtées sur l'élection de
grâce. Vous le savez, parce que nous croyons à un salut purement
gratuit, parce que nous disons avec saint Paul: Cela, ne vient pas de
celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde
(Ro 9:16) ; en d'autres termes, parce que nous exaltons la grâce
souveraine de notre Dieu, on nous traite d'ultra-calvinistes,
d'antinomiens, on nous regarde comme le rebut de toute la terre, on
accuse nos doctrines d'encourager le vice et l'immoralité. -
Voulons-nous donc, mes bien-aimés, réfuter victorieusement la calomnie
? Efforçons-nous de vivre d'une manière de plus en plus digne de notre
vocation ; craignons, par nos chutes et par nos faiblesses, de donner
prise aux attaques de nos adversaires ; en un mot, prenons garde de ne
pas jeter de la défaveur sur ces saintes vérités qui nous sont aussi
chères que la vie, et auxquelles nous espérons rester fidèles jusqu'à
la mort. III Mais il est temps que nous passions à la troisième cause
de la profonde. douleur que Paul éprouvait en écrivant notre texte.
Cette cause, nous vous l'avons déjà dit, était LE SORT réservé aux faux
frères de Philippes ; c'est ce que nous apprennent ces mots : Leur fin
est la perdition. Entendez-vous, mes frères ! La fin des formalistes
sera la perdition, - et j'ose ajouter, la pire des perditions. Oui,
s'il y a en enfer des chaînes plus lourdes que les autres ; s'il y a
des prisons plus sombres, des flammes plus brûlantes, des angoisses
plus cruelles, des tourments plus intolérables, assurément ils seront
le partage de ceux dont la profession de piété n'a été qu'un indigne
mensonge ! En vérité, pour ma part, je préférerais mourir pécheur
scandaleux, que chrétien hypocrite. Oh ! quel réveil que celui d'une
âme qui, après avoir eu le bruit de vivre dans ce monde, est jetée avec
les menteurs dans l'autre ; qui, après s'être élevée jusqu'aux cieux
d'ici-bas, se voit abaissée jusqu'en enfer dans l'éternité !... Et plus
le formaliste a réussi à se séduire lui-même, plus terrible sera son
désillusionnement. Il avait pensé porter à ses lèvres la coupe pleine
de délices du paradis, et au lieu de cela, il se voit condamné à boire
jusqu'à la lie l'amer breuvage de l'enfer ! Il comptait entrer sans
difficulté par les portes de la nouvelle Jérusalem, et voilà qu'il les
trouve fermées ! Il s'imaginait que pour être admis dans la salle des
noces, il lui suffirait de crier : Seigneur, Seigneur, et voilà qu'il
entend prononcer contre lui, non pas simplement la malédiction générale
adressée à la masse des pécheurs, mais cette sentence, mille fois plus
terrible et plus amère, parce qu'elle est plus directe et plus
personnelle . « Retirez-vous de moi, je ne vous ai jamais connu !
Quoique vous ayez mangé et bu en ma présence, quoique vous soyez entré
dans mon sanctuaire, vous, êtes un étranger pour moi et je le suis pour
vous ! » - Mes frères, un tel sort, plus lugubre que le sépulcre, plus
horrible. que l'enfer, plus désespérant que le désespoir, un tel sort
deviendra inévitablement le partage de ces prétendus chrétiens qui ont
leur ventre pour Dieu, qui mettent leur gloire dans ce qui est leur
confusion, et qui placent leurs affections dans les choses de la terre.
Et maintenant, permettez-moi, avant de finir, de répondre à diverses
pensées que peut vous avoir suggérées ce que vous venez d'entendre. Si
je ne me trompe, quelques-uns d'entre vous se disent en ce moment même
: « Voilà, certes, un prédicateur qui n'épargne pas les Églises, et il
a raison. Il leur a fait entendre de dures vérités. Quant à moi, je
partage complètement son avis : ces gens qui font profession de piété,
qui se donnent des airs de saints, sont tous des hypocrites et des
imposteurs. Je l'ai toujours cru, il n'y en a pas un de sincère. »
Arrêtez, mon ami. A Dieu ne plaise que j'aie dit rien de semblable à ce
que vous avancez là ! je serais bien coupable si je l'avais fait. Il y
a plus : je soutiens que le fait seul qu'il existe des hypocrites est
une preuve irrécusable qu'il existe aussi des chrétiens sincères. «
Comment cela ? » me répondez-vous. Eh ! c'est bien simple, mon cher
auditeur. Croyez-vous qu'il y eût de faux billets de banque dans le
monde s'il n'y en avait pas de bons ? Croyez-vous qu'on cherchât à
mettre de la fausse monnaie en circulation, s'il n'y en avait de bon
aloi ? Evidemment non. La contrefaçon présuppose nécessairement
l'existence de là chose contrefaite. Si donc il n'existait pas de vraie
piété, il n'y en aurait pas non plus de fausse. Et de même que c'est la
valeur du billet de banque qui engage le faussaire à le reproduire, de
même c'est l'excellence du caractère chrétien qui donne l'idée à
certaines gens de l'imiter. N'ayant pas la réalité, ils veulent du
moins avoir l'apparence ; n'étant pas de l'or pur, ils se plaquent de
façon à en avoir l'air. Je le répète, et le plus simple bon sens suffit
à nous le faire comprendre : puisqu'il y a de faux chrétiens il doit
nécessairement y en avoir de véritables.
« Bien dit ! » pense peut-être un autre de mes auditeurs ; « oui,
grâces à Dieu, il existe de sincères, de véritables chrétiens, et j'ai
le bonheur d'être du nombre. Jamais, je n'ai eu ni doute ni crainte à
cet égard; je sais que je suis un élu de Dieu, et quoique, il est vrai,
je ne me conduise pas toujours, comme je pourrais le désirer, j'ose
d'ire que si je ne vais pas au ciel, peu de personnes iront. Ainsi,
prédicateur de l'Evangile, à d'autres tes avertissements ! Depuis plus
de vingt ans je suis membre de l'Église ; depuis plus de dix j'ai
l'honneur de siéger au conseil des anciens ; je jouis de la
considération de mes frères : rien ne saurait ébranler ma confiance.
Quant à mon voisin que voilà, c'est autre chose. Je crois qu'il fera
bien de s'assurer de la réalité de sa conversion ; mais, encore une
fois, pour ce qui me concerne, tout est bien je suis parfaitement
tranquille. »
Ah ! mon cher auditeur, me pardonnerez-vous si je vous dis que votre
excès d'assurance m'inspire les plus graves inquiétudes ? Si vous
n'avez jamais eu de craintes sur la valeur de votre piété, je commence
à en avoir ; si vous ne doutez pas quelquefois de vous-même, je ne puis
que trembler ; car, vous le dirai-je ? j'ai observé que tous les
enfants de Dieu sont d'une extrême méfiance à leur propre égard, et
qu'ils craignent plus que qui que ce soit de se faire illusion. Jamais
encore je n'ai rencontré un vrai croyant qui fût content de son état
spirituel. Puis donc que vous vous déclarez si particulièrement
satisfait du vôtre, excusez-moi, mais je ne puis en vérité apposer ma
signature au certificat de piété que vous vous délivrez à vous-même. Il
se peut que vous soyez très bon ; toutefois, souffrez que je vous
conseille de vous examiner pour voir si vous êtes dans la foi, de peur
qu'étant enflé dans votre sens charnel, vous ne tombiez dans les pièges
du malin.
JAMAIS TROP sûr, est une devise qui convient parfaitement au chrétien.
Etudiez-vous, tant qu'il vous plaira, à affermir votre vocation et
votre élection; mais, de grâce, n'ayez jamais une trop haute, opinion
de vous même, gardez-vous de la présomption. Combien d'hommes
excellents à leurs propres yeux, qui sont des démons aux yeux de Dieu !
Combien d'âmes très pieuses dans l'opinion de l'Église, qui ne sont que
souillure devant le Saint des saints! Que chacun de nous s'éprouve donc
soi-même, et disons avec le Psalmiste : O Dieu fort ! sonde-moi et
considère mon coeur ; regarde s'il y a en moi aucun mauvais dessein et
conduis-moi par la voie du monde (Psa 134:34).
Mes bien-aimés, si les avertissements que vous venez d'entendre avaient
pour résultat de faire naître en vous de telles pensées, de vous
inspirer une semblable prière, je bénirais Dieu du fond de mon âme de
m'avoir permis de vous les adresser.
Enfin, il y a sûrement ici quelques-uns de ces esprits
légers et insouciants auxquels il importe peu, disent-ils, d'appartenir
ou non à Christ. Ils comptent vivre comme par le passé dans l'oubli de
Dieu, méprisant ses menaces et se moquant de son nom. Insensés et
aveugles ! un jour viendra, sachez-le, où votre rire sera changé en
pleurs, où vous sentirez le besoin de cette religion que vous dédaignez
aujourd'hui ! A bord du vaisseau de la vie, naviguant sur une mer
paisible, vous vous moquez à présent de la chaloupe de sauvetage ; mais
attendez que la tempête gronde, et vous voudrez vous y précipiter à
tout prix. Maintenant vous ne faites aucun cas, du Sauveur, parce qu'il
vous semble que vous n'avez nul besoin de lui ; mais lorsque la mort se
saisira de vous, lorsque viendra l'orage de la colère divine, -
(retenez bien ceci, ô pécheurs !) - vous qui maintenant ne voulez pas
prier Christ, vous hurlerez après lui ! vous qui maintenant refusez de
l'appeler, vous le poursuivrez alors par vos cris de désespoir ! votre
coeur qui maintenant n'éprouve aucun désir de le posséder, se pâmera
après lui, dans une inexprimable angoisse, !...
Retournez, retournez ! convertissez-vous ; et pourquoi mourriez-vous, ô maison d'Israël.
O veuille le Seigneur vous amener à lui, et faire de vous ses sincères,
ses véritables enfants, en sorte que votre fin ne soit pas la
perdition, mais que vous soyez sauvés dès à présent, et sauvés pour
l'éternité !
Charles Spurgeon
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