L'expression "nature pécheresse" est non scripturaire et mal choisie.
Donc ne la choisissons pas.
Car c'est au fruit qu'on jugera l'arbre, cette expression aboutit à voir l'homme naturellement mauvais.
Avec les deux risques de la bonne conscience à peu de frais :
1 ) Je ne suis pas responsable de mes péchés, c'est ma chair, c'est ma nature corrompue...
2 ) L'autre est un être mauvais...
La chute nous affaiblit, cet état de faiblesse n'est pas le péché. Mais dans cet état de faiblesse nous
sommes souvent démunis pour lutter contre le péché.
Insister sur le péché, y voir l'élément essentiel de notre nature. Parler de nature pécheresse
c'est voir la pluie quand se dessine l'arc en ciel.
L'essentiel de notre nature c'est l'image de Dieu, C'est le fait que notre nature nous offre un lien privilégié avec Dieu,
C'est que notre nature peut s'ouvrir à l'amour de Dieu. C'est qu'en n'importe quel de mes prochains brille la présence de Notre
Seigneur.
L'essentiel de notre nature c'est que notre coeur peut s'ouvrir à l'amour.
Mettre le peché au centre de la nature humaine c'est ériger notre expérience personnelle en principe universel.
Sous prétexte que nous menons ou avons mené un dur combat contre le péché on se figure que c'est un élément
de notre nature, mais le péché est tout autant extérieur à notre nature que la gravitation universelle.
Parler de nature pécheresse et non pas simplement de nature déchue c'est inverser l'ordre de la causalité,
cela risque de suggérer que c'est le péché qui nous éloigne de Dieu et non pas que c'est l'éloignement de Dieu qui nous
amène à pécher.
Parler de nature pécheresse et non pas simplement de nature déchue risque donc d'inciter les croyants à mettre la lutte contre le péché au coeur de leur vie alors que la vocation du chrétien est la restauration et l'approfondissement du lien avec Dieu.
Parler de nature déchue et non pas pécheresse ne signifie pas que le péché n'a pas d'importance au même titre que ma certitude de vie éternelle ne me libère pas des contraintes de la gravitation.
Ne pas pécher est une oeuvre, les oeuvres sont très importantes pour nous mais pas très importantes pour Dieu.
"Ne pas pécher" est une loi qui se grave doucement en notre coeur au fil de notre conversion, c'est une loi seconde car la première des lois est l'amour.
Ne pas pécher n'a d'intérêt que si c'est le fruit de l'abandon total à l'amour de Dieu, si c'est le fruit d'une attitude compulsive c'est désolant. C'est désolant et c'est quasi blasphématoire, cela traduit un léger doute quand à la gratuité du salut... qui est la plus grande Gloire de Dieu.
Ma vie de croyant m'amène à songer que toute la polarisation sur le péché que j'ai ressentie comme bien d'autres est un obstacle sur le Chemin, c'est un artifice du vieil homme qui veut mériter le salut, qui veut monter un visage flatteur à Dieu.
Je reste pécheur occasionnel et multirécidiviste mais ma nature à présent est submergée par l'amour.
Je reste pécheur car ma prière est "Seigneur Jésus Christ Fils de Dieu aie pitié de moi, pécheur", sous entendu "si Tu as vraiment pitié de moi alors sauve les tous, ces pécheurs comme moi ; si Tu as vraiment pitié de moi alors juge-moi digne d'être comme Toi une offrande d'amour".
- Pierre Poncet