«Il y a plusieurs hommes qui disent: «Je me suis fait moi-même» ( un self made man, comme les anglais le disent). Mais si vous êtes un de ceux-là, alors vous n'est pas à l'image de Dieu.» - H. Page Williams
Le péché d'Adam a été de croire qu'il pouvait se débrouiller tout seul, se passer de Dieu.
C'est une mentalité qui est très forte encore aujourd'hui, dans notre société, un homme viril, marié ou non, c'est quelqu'un qui se suffit à lui-même, qui n'a pas besoin de personne, c'est cela un homme fort, montrer qu'on a besoin des autres c'est un signe de faiblesse.
On connaît tous l'image du héros américain, qui partit se faire justice tout seul contre le reste du monde, style Rambo - Sylvester Stallone, le gars qui avait été entraîné à tout faire mieux que tout le seul monde. La dernière chose qu'il avait de besoin c'est bien d'un autre être humain sur la même planète que lui!
L'orgueil d'un homme peut être très bien perçu par sa démonstration d'auto-suffisance. L'homme qui estime n'avoir besoin d'aide de personne est à l'image de Satan, avec toute sa puissance, le diable s'est cru auto-suffisant, il n'avait plus besoin de Dieu et il a amené l'homme à penser comme lui, il lui a monté la tête et lui a fait à croire qu'il pouvait devenir comme Dieu et se passer de lui.
Paul Tournier dit avec justesse:
«Nul ne peut évoluer à son aise en ce monde et s'y épanouir sans se sentir compris au moins par une personne. Incompris, l'homme perd confiance en lui-même, il perd confiance dans la vie, même en Dieu; il se bloque, il régresse.
Nul ne se découvre lui-même en se penchant sur lui-même dans la solitude du Journal intime, mais bien dans le dialogue, dans la rencontre d'autrui; il ne prend vraiment conscience de ses propres convictions qu'en les exprimant à autrui. Qui veut voir clair en soi doit s'ouvrir à quelque confident librement choisi et digne de confiance.»
Basile le Grand nous explique les dangers de l'homme autosuffisant:
«Nul ne peut se suffire à lui-même, même pour les besoins du corps et nous avons tous besoin les une des autres pour les nécessités de la vie. Dieu qui nous a créés a voulu que nous eussions besoin les uns des autres, afin que nous restions mutuellement attachés. De plus
l'amour du Christ ne permet pas qu'un homme ne pense qu'à lui-même.
Or, celui qui vit entièrement seul, n'a d'autre fin que son propre salut, ce qui est évidemment contraire à cette foi de l'amour que suivaient les apôtres lorsqu'ils cherchaient à s'accommoder à tous afin de sauver un plus grand nombre...
Enfin, dans une retraite de ce genre, le solitaire ne reconnaîtra pas facilement ses défauts, n'ayant personne pour l'en avertir et lui faire une correction fraternelle.
La réprimande, en effet, même venant d'un ennemi, fait naître chez l'homme généreux le désir de s'amender et un ami sincère reprend hardiment les fautes qu'il voit chez son ami. Or, dans la solitude absolue, on n'a pas un tel ami...
C'est pourquoi il est dit: Malheur à celui qui vit seul car s'il tombe il n'a personne pour le relever.»
Il y a de la matière à réflexion dans ces paroles. Celui qui est seul, quand il est découragé est un candidat au suicide, pensons à Judas. C'est vrai qu'il était avec les autres apôtres et avec Jésus corporellement, mais il s'était isolé spirituellement et quand l'épreuve est arrivé, il a flanché.
Pensons-y un peu, quand est-ce qu'une personne est le plus vulnérable à la tentation?
- Quand elle est toute seule. Satan a attendu que Jésus soit tout seul dans le désert pour aller le tenter.
Luc 4:13 Après l'avoir tenté de toutes ces manières, le diable s'éloigna de lui jusqu'à un moment favorable.
Quand est-ce que ce moment favorable est survenu?
- Dans le jardin de Gethsémané où Jésus, tout seul parce que ses amis s'étaient endormis, a été tenté 3 fois de s'esquiver du plan de Dieu afin d'éviter la souffrance.
Jésus a donc été tenté 3 fois au début de son ministère, seul dans le désert et 3 fois à la fin de son ministère, seul dans le jardin.
Le moment favorable pour être tenté c'est quand on est tout seul. Quand on est seul, on est plus vulnérable et l'ennemi le sait, il peut nous suggérer toutes sortes d'arguments pour justifier la conduite pécheresse qu'il nous propose;
Pouvez-vous m'en donner des exemples:
Par exemple; personne ne le saura jamais, donc ça ne fera pas de mal à personne:
Comment répondriez-vous à cette raison?
- Ce n'est pas vrai que cela ne fera pas de mal à personne, ça va me faire mal, je suis une personne, ça va faire mal à Dieu aussi, la communion va être brisée avec lui. Ça va faire mal aussi à mon prochain indirectement parce que je ne serais plus rempli de l'Esprit pour l'aimer comme je lui dois.
Autre exemple; Ça c'est la plus vieille, celle dans laquelle Adam et Eve se sont faits avoir: Dieu est injuste de te priver de ce qui est bon pour toi, donc vas-y et prend le toi-même!
Autre exemple; celle-ci est subtile et elle est parfois très dure à résister car elle n'appelle pas à une rébellion ouverte contre Dieu: Vas-y soulage-toi, après tu n'auras qu'à demander pardon à Dieu et tout sera comme s'il ne se sera rien passer, tu n'y penseras plus et Dieu non plus.
Comment répondriez-vous à cette raison?
- Même si Dieu pardonne, le péché laisse des traces, des cicatrices profondes dans notre âme, car c'est un feu qui brûle, qui rend infirme.
Quand on est tout comme Jésus dans le désert pour répondre contre les raisonnements sataniques, nous avons besoin encore plus d'être
fondés dans les Écritures pour rappeler, comme Jésus, les versets appropriés qui condamnent les pensées séductrices.
Ici, la présence des frères est d'une grande utilité, ceux qui sont au courant de nos luttes peuvent nous aider dans l'encouragement, l'enseignement des principes bibliques et la prière.
On a des améliorations à faire à ce niveau, on a plus la tendance de dormir comme les disciples dans le jardin pendant que nos frères agonisent tout seul dans leur lutte avec la tentation.
Ce n'est pas sans raison que l'Écriture nous dit que la corde à trois brins ne rompt pas facilement.
Le Dr. Harry Gantham, professeur de médecine à l'université Laval, chef du département de psychiatrie à l'Hôtel-Dieu de Québec
nous explique pourquoi la corde à un brin casse, autrement dit pourquoi les gens optent pour le suicide:
«Une explication de la fréquence du suicide vient justement de la faillite de cette prétention qu'il est possible de se sentir bien seul, en soi, avec soi.
C'est oublier que la vie d'un individu n'a pas son sens en elle-même mais d'abord et avant tout en relation aux autres. L'être humain est à la fois un être de désir et un être social.»
Le péché s'il apporte des jouissances, nous isole aussi en même temps des frères et de Dieu, et quand le malheur arrive, et il finit toujours par arriver, le désespoir est grand. Pensons aussi à l'enfant prodigue. Basile continue en disant:
«D'autres inconvénients se rencontrent encore dans la vie solitaire, et le plus grand c'est que celui qui est seul, se complaît en lui-même.
Personne n'étant présent pour juger de l'oeuvre qui s'accomplit en lui, il se croit arrivé à la perfection de tous les préceptes. Ne trouvant par ailleurs à quoi exercer sa vertu, puisqu'il a éloigné de lui la matière et l'occasion de tous les commandements de Dieu, il ne connaît ni ce qui lui manque encore ni les progrès qu'il a faits.
Comment fera-t-il voir son humilité, celui qui ne trouve personne devant qui s'humilier? et quelle occasion aura d'être compatissant celui qui ne voit personne qui souffre?
Comment s'exercera-t-il à la patience quand personne ne résiste à sa volonté?»
Quand j'étais célibataire, je me trouvais très patient, j'avais pas à attendre après personne. Puis je me suis marié, là j'ai vu que j'avais de l'amélioration à faire côté patience. Depuis qu'on a les enfants, je réalise combien peu de patience j'avais en réalité quand je restais tout seul.
Basile:
«Quand le Seigneur a voulu donner le modèle de la perfection, de l'amour et de l'humilité, il a ceint ses reins et lavé les pieds de ses disciples. Mais vous, solitaire, de qui laverez-vous les pieds et de qui vous ferez-vous serviteur? Comment feriez-vous pour être le dernier si vous êtes seul?»
Donc la solitude est un empêchement à la croissance spirituelle, celui qui n'a pas de compte à rendre à personne ne vient pas à la lumière, il peut se séduire lui-même en pensant être meilleur qu'il ne l'est en réalité.
C'est donc à dire que l'homme ne peut se définir seulement en rapport avec son créateur, dans une relation verticale, spirituelle, même
si c'est à la base de son identification.
Cette relation n'est pas suffisante pour qu'il apprenne à se connaître lui-même et à connaître Dieu. Celui qui dit ne pas avoir besoin des autres pour vivre sa relation avec Dieu se séduit lui-même.
Pourtant on en connaît tous plusieurs qui se sont retirés de la communion des frères pour vivre leur «christianisme» d'une manière solitaire. Ils se livrent eux-mêmes à Satan en se privant du bouclier de protection qu'est le corps de Christ.