La vie ordinaire des hommes est semblable à celle
des saints. Ils recherchent tous leur satisfaction, et ne diffèrent
qu'en l'objet où ils la placent; ils appellent leurs ennemis ceux
qui les en empêchent, etc. Dieu a donc montré le pouvoir qu'il
a de donner les biens invisibles, par celui qu'il a montré qu'il
avait sur les visibles.
Le webmestre: Comme dans l'exemple de Jésus qui
pardonnait les péchés au
paralytique.
Pascal, Blaise, 648
Deux erreurs: 1° prendre tout littéralement.
2° prendre tout spirituellement.
Pascal, Blaise, 650
Il y a des figures claires et démonstratives, mais
il y en a d'autres qui semblent un peu tirées par les cheveux et
qui ne prouvent qu'à ceux qui sont persuadés d'ailleurs.
Pascal, Blaise, 654
Dieu peut tout hormis les choses auxquelles s'il le pouvait
il ne serait pas tout-puissant, comme mourir, être trompé,
et mentir, etc.
Plusieurs Évangélistes pour la confirmation
de la vérité: leur dissemblance utile.
Pascal, Blaise, 659
Pour entendre le sens d'un auteur...
Brunschvicg: Les autres fragments permettent de suppléer
à cette lacune: il faut concilier les passages contradictoires par
une raison supérieure qui les explique à la fois. L'exégèse
de Pascal a un double caractère: elle est fondée à
la fois sur des principes d'ordre spirituel, la valeur intrinsèque
de la doctrine, et sur des principes d'ordre littéral, la critique
des textes, exactement comme l'interprétation des miracles. La doctrine
discerne soit les miracles, soit les figures: et les miracles ou les figures
discernent la doctrine.
Pascal, Blaise, 660
La concupiscence est devenue naturelle, et a fait notre
seconde nature. Ainsi il y a deux natures en nous: L'une bonne, l'autre
mauvaise. Où est Dieu? où vous n'êtes pas, et le royaume
de Dieu est dans vous.
Pascal, Blaise, 662
Les juifs charnels n'entendaient ni la grandeur ni l'abaissement
du Messie prédit dans leurs prophéties. Ils l'ont méconnu
dans sa grandeur prédite, comme quand il dit que le Messie sera
seigneur de David, quoique son fils, qu'il est devant Abraham, et qu'il
l'a vu; ils ne le croyaient pas si grand qu'il fût éternel
et ils l'ont méconnu de même dans son abaissement et dans
sa mort. «Le Messie, disaient-ils, demeure éternellement,
celui-ci
dit qu'il mourra.» Ils ne le croyaient donc ni mortel, ni éternel:
ils ne cherchaient en lui qu'une grandeur charnelle.
Pascal, Blaise, 663
Rien n'est si semblable à la charité que
la cupidité, et rien n'y est si contraire.
Brunschvicg: Rien n'est si semblable en tant que cupidité
et charité sont deux formes d'amour, et qu'elles se manifestent
ainsi de la même façon; mais rien n'est si contraire comme
les objets de ces deux amours, l'un étant le moi, source de tout
égoïsme et de tout péché, l'autre étant
Dieu, qui est le souverain bien.
Pascal, Blaise, 666
Inimici Dei terram lingent: Les pécheurs lèchent
la terre, c.à.d. aiment les plaisirs terrestres.
Pascal, Blaise, 668
On ne s'éloigne qu'en s'éloignant de la
charité. Nos prières et nos vertus sont abominables devant
Dieu, si elles ne sont pas les prières et vertus de Jésus-Christ.
Et nos péchés ne seront jamais l'objet de la miséricorde
mais de la justice de Dieu, s'ils ne sont les péchés de Jésus-Christ.
Il a adopté nos péchés, et nous a admis à son
alliance; car les vertus lui sont propres et les péchés lui
sont étrangers; et les vertus nous sont étrangères
et nos péchés nous sont propres.
Changeons la règle que nous avons prise jusqu'ici
pour juger de ce qui est bon. Nous en avions pour règle notre volonté,
prenons maintenant la volonté de Dieu: tout ce qu'il veut nous est
bon et juste, tout ce qu'il ne veut pas, mauvais.
Tout ce que Dieu ne veut pas est défendu. Les péchés
sont défendus par la déclaration générale que
Dieu a faite, qu'il ne les voulait pas. Les autres choses qu'il a laissées
sans défense générale, et qu'on appelle par cette
raison permises, ne sont pas néanmoins toujours permises. Car quand
Dieu en éloigne quelqu'une de nous, et que par l'événement,
qui est une manifestation de la volonté de Dieu, il paraît
que Dieu ne veut pas que nous ayons une chose, cela nous est défendu
alors comme un péché, puisque la volonté de Dieu est
que nous n'ayons non plus l'un que l'autre. il y a cette différence
seule entre ces deux choses, qu'il est sûr que Dieu ne voudra jamais
le péché, au lieu qu'il ne l'est pas qu'il ne voudra jamais
l'autre. Mais tandis que Dieu ne la veut pas, nous devons la regarder comme
péché; tandis que l'absence de la volonté de Dieu,
qui est seule toute la bonté et toute la justice, la rend injuste
et mauvaise.
Le webmestre: Donc, même une bonne chose, en dehors
de la volonté de Dieu, devient un péché.
Pascal, Blaise, 670 Figures
Les juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres,
que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait;
que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous
les autres peuples, sans souffrir qu'ils s'y mélassent... et qu'il
leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout
le monde.
L'unique objet de l'Écriture est la charité.
Dieu diversifie ainsi cet unique cet unique précepte
de charité, pour satisfaire notre curiosité qui recherche
toujours la diversité, par cette diversité qui nous mène
toujours à notre unique nécessaire. Car une seule chose est
nécessaire, et nous aimons la diversité; et Dieu satisfait
à l'un et à l'autre par ces diversités, qui mènent
au seul nécessaire.
Les juifs ont tant aimé les choses figurantes,
et les ont si bien attendues, qu'ils ont méconnu la réalité,
quand elle est venue dans le temps et en la manière prédite.
Et les chrétiens prennent même l'Eucharistie
pour figure de la gloire où ils tendent.
Pascal, Blaise, 672 Pour formalistes
Quand saint Pierre et les apôtres délibèrent
d'abolir la circoncision, où s'il s'agissait d'agir contre la loi
de Dieu, ils ne consultèrent point les prophètes, mais simplement
la réception du Saint-Esprit en la personne des incirconcis.
Ils jugent plus sûr que Dieu approuve ceux qu'il
remplit de son Esprit, que non pas qu'il faille observer la loi. Ils savaient
que la fin de la loi n'était que le Saint-Esprit; et qu'ainsi puisqu'on
l'avait bien sans circoncision, elle n'était plus nécessaire.
Pascal, Blaise, 679
Il a fallu que le Christ ait souffert pour entrer dans
sa gloire: «qu'il vaincrait la mort par sa mort».
Pascal, Blaise, 684 Contradiction
Pour entendre le sens d'un auteur, il faut accorder tous
les passages contraires.
Ainsi, pour entendre l'Écriture, il faut avoir
un sens dans lequel tous les passages contraires s'accordent. Il ne suffit
pas d'en avoir un qui convienne à plusieurs passages accordants,
mais d'en avoir un qui accorde les passages mêmes contraires.
Tout auteur a un sens auquel tous les passages s'accordent,
ou il n'a point de sens du tout. On ne peut pas dire cela de l'Écriture
et des prophètes; ils avaient assurément trop de bon sens.
Il faut donc en chercher un qui accorde toutes les contrariétés.
Le vrai sens n'est donc pas celui des juifs; mais en Jésus-Christ
toutes les contradictions sont accordées.
Les juifs ne sauraient accorder la cessation de la royauté
et principauté, prédite par Osée, avec la prophétie
de Jacob.
Si on prend la loi, les sacrifices, et le royaume, pour
réalités, on ne peut accorder tous les passages. Il faut
donc par nécessité qu'ils ne soient que des figures. On ne
saurait pas même accorder les passages d'un même auteur, ni
d'un même livre, ni quelquefois d'un même chapitre, ce qui
marque trop quel était le sens de l'auteur; comme quand Ezéchiel
20, dit qu'on vivra dans les commandements de Dieu et qu'on n'y vivra pas.
Pascal, Blaise, 685 Figures
Si la loi et les sacrifices sont la vérité,
il faut qu'elle plaise à Dieu et qu'elle ne lui déplaise
point. S'ils sont figures, il faut qu'ils plaisent et déplaisent.
Or dans toute l'Écriture, ils plaisent et déplaisent.
Tous ces passages ensemble ne peuvent être dits
de la réalité; tous peuvent être dits de la figure:
donc ils ne sont pas dits de la réalité, amis de la figure.
Agum occisis est origine mundi Ap.13:8 juge sacrifium.
Brunschvicg: Ap.13:8 L'agneau a été tué
dès le commencement du monde. C'est là le sacrifice éternel,
dont le sacrifice ordonné dans la loi juive n'est que la figure.
Pascal, Blaise, 692
Il y en a qui voient bien qu'il n'y a pas d'autre ennemi
de l'homme que la concupiscence, qui le détourne de Dieu et non
pas Dieu; ni d'autre bien que Dieu et non pas une terre grasse.
Ceux qui cherchent Dieu de tout leur coeur, qui n'ont
de déplaisir que d'être privés de sa vue, qui n'ont
de désir que pour le posséder, et d'ennemis que ceux qui
les en détournent; qui s'affligent de se voir environnés
et dominés de tels ennemis; qu'ils se consolent, je leur annonce
une heureuse nouvelle: il y a un libérateur pour eux, je le leur
ferai voir; je leur montrerai qu'il y a un Dieu pour eux; je ne le ferai
pas voir aux autres. Je ferai voir qu'un Messie a été promis,
qui délivrerait des ennemis; et qu'il en est venu un pour délivrer
des iniquités, mais non des ennemis.
Brunschvicg: Il y a quelque embarras dans ce passage qui
reflète en quelque sorte à l'état naissant la pensée
ardente de Pascal. Cela tient à ce que le mot ennemis est pris tantôt
dans le sens propre et tantôt dans le sens figuré. «ceux
qui s'affligent de se voir environnés et dominés de tels
ennemis». Les ennemis figurent ici les concupiscences. A la fin le
mot ennemis, pris dans son sens propres, s'oppose à iniquités,
ou ennemis spirituels. Tout le chapitre des Figuratifs devait mettre en
lumière ce principe: l'Écriture, lettre close pour les charnels,
est transparente pour ceux qui ont le coeur pur, car ils en pénètrent
le sens spirituel.