Les origines exactes du
pentecôtisme français restent dans l'ombre, tout comme ces
pionniers inconnus, mais consacrés à Dieu qui bravèrent
les obstacles pour évangéliser le pays de Voltaire. Dans
son Histoire générale du pentecôtisme, Donald Gee relate
qu'en 1909, il y avait à Paris une petite salle où se tenaient
des réunions « pour ceux qui cherchaient le baptême
du Saint-Esprit ». Leonhard Steiner, Historien suisse du pentecôtisme,
déclare que depuis 1909, existaient en France de petits groupes
de croyants pentecôtistes, comme ceux de Paris et du Havre. Le professeur
Bloch-Noell fait remarquer que A. T. Barratt eut un disciple en France,
en 1907, un Hollandais qui avait assisté aux réunions de
Barratt en Norvège. Frank Bartleman, évangéliste célèbre,
huit de la Mission de la rue Azusa à Los Angeles, relate que, pendant
son séjour en France en 1912, il avait visité un certain
« frère Michael Mast qui avait une petite mission de Pentecôte
à Rosny-sous-Bois, à seize kilomètres environ de Paris
». Il avait déjà visité cette mission en 1910.
Deux ans plus tard, Bartleman y prêcha chaque soir.
Il poursuit en disant qu'il avait
tenu une réunion au coeur même de Paris, chez Mast, dans son
atelier de tailleur, devant un auditoire d'une trentaine de personnes.
Il continue : « Une âme précieuse a été
sauvée au cours de cette réunion, mais ajoute-t-il, il est
très difficile de faire venir les gens à une réunion
d'évangélisation à Paris. Il m'a semblé que
Paris est encore pire que lors de mon séjour en 1910. Bartleman
parle aussi d'une mission pentecôtiste au Havre. Quelle que soit
l'importance, pour l'avenir du mouvement de Pentecôte, des quelques
cellules pentecôtistes françaises isolées, il est certain
que l'essor de ce mouvement avant 1930 est dû à deux facteurs
principaux. Le premier facteur fut l'existence, au Havre, d'un établissement
qui allait devenir en son temps le centre de l'activité pentecôtiste
française, l'hôtel-restaurant sans alcool de Mademoiselle
Hélène Biolley. Quant au second facteur, ce fut un esprit
de réveil qui, comparable à celui qui prévalait au
même moment dans le pays de Galles, captivait les esprits d'un petit
nombre de chrétiens français.
Le réveil du pays de Galles
de 1904-1905 fit une profonde sur les milieux religieux, tant dans les
îles Britanniques qu'en France. Dans ce pays, de nombreux protestants
souhaitèrent connaître une « même visitation de
l'Esprit de Dieu ». Henri Bois, historien français du réveil
du pays de Galles, déclare que beaucoup de Français cherchèrent
Dieu avec ferveur pour qu'Il envoie « une effusion de Son Esprit
sur la France ». Peu après 1906, un Ecossais du nom de H.
E. Alexander, influencé par le réveil du pays de Galles,
fonda « l'Action biblique », groupe de fondamentalistes étroits
qui accordaient une place prépondérante à la puissance
du Saint- Esprit dans la vie de l'individu. En Angleterre, un groupe de
pentecôtistes fonda en 1908 l'Eglise apostolique par la foi, groupe
qui avait des idées extrêmes sur l'action directrice du Saint-Esprit
dans la vie du croyant. L'un des traits marquants de cette Eglise fut le
fanatisme. Les prophéties y étant considérées
comme des extravagances, un groupe plus modéré se retira
en 1916 pour fonder l'Eglise apostolique du pays de Galles. Animée
d'un grand esprit missionnaire, l'Eglise apostolique envoya bientôt
des évangélistes en France. L'un d'entre eux fut le jeune
Gallois Thomas Roberts qui ouvrit une mission à Paris en 1926. D.
P. Williams, apôtre, et W. J. Williams, prophète, rendirent
visite à la Mission apostolique assez prospère de Sanvic
dans la banlieue du Havre. L'Eglise apostolique fit des convertis, parmi
lesquels B. Selvaratnam, fils d'un pasteur de l'Eglise méthodiste.
Au cours de ses études d'ingénieur
à Paris, Selvaratnam eut à subir de sérieux conflits
entre la raison et sa foi. Après avoir lu le Secret de l'univers
de Charles Bradlaugh, Selvaratnam bannit de son esprit tout ce qui pouvait
avoir trait à la foi. Un jour, alors qu'il présidait un congrès
de l'Union des rationalistes, il s'écria : « S'il existe un
Dieu vivant, qu'Il prouve son existence en me frappant de mort. Je donnai
à Dieu soixante secondes pour le faire, mais Il ne me foudroya pas.
Savez-vous pourquoi ? Afin de prouver plus tard Son existence par mon témoignage
». Selon ses propres paroles, la guérison de sa mère
fut à l'origine de sa conversion. Elle était invalide depuis
douze ans et n'avait, de l'avis des médecins, plus que deux mois
à vivre. La question de la guérison divine devait jouer un
rôle important dans le pentecôtisme français. Ce fut
à l'hôtel restaurant sans alcool d'Hélène Biolley
que le mouvement de Pentecôte a pris son véritable essor.
Cette dernière ouvrit le
Ruban bleu en 1909. Née en Suisse, elle y fut élevée
et y fit ses études. Elle faisait partie des « Coeurs purs
», un groupe suisse qui mettait l'accent sur l'examen de conscience
approfondi: « Mes pensées sont-elles pures ? Ai-je traité
mon voisin avec justice ? Ai-je honoré Dieu par mes actes ? »
Mademoiselle Biolley, dés cultivée et linguiste distinguée,
était venue en France vers 1908 pour travailler avec la Société
française de la Croix Bleue et l'aider dans sa lutte contre l'alcoolisme.
Malgré sa culture et l'excellente éducation qu'elle avait
reçue, elle désirait travailler dans les bas-fonds et relever
les rejetés de la société, en particulier les ivrognes.
Sachant que la population cosmopolite du port du Havre lui fournirait suffisamment
d'occasions de poursuivre son but, elle y installa le Ruban bleu qui devint
à la fois un hôtel-restaurant sans alcool et un centre religieux.
Elle ne servait à ses clients assoiffés que des boissons
sans alcool : thé, café ou chocolat !
Dès le début, le Ruban
bleu devint un centre important fréquenté par de nombreux
chrétiens étrangers. Ils y trouvaient non seulement une chaude
atmosphère spirituelle, mais aussi le gîte pour un prix très
modique. De nombreux amis suisses de Mademoiselle Biolley venaient y passer
leurs vacances ; de même, des missionnaires anglais et suédois,
en route pour le Congo, s'arrêtaient souvent au Ruban bleu. Nombre
d'entre eux avaient entendu parler de la Pentecôte ou étaient
eux-mêmes des pentecôtistes. Leurs conversations éveillèrent
la curiosité de Mlle Biolley à propos de ce mouvement suscité
par Dieu. En 1920, cinq missionnaires suédois à destination
du Congo, vinrent au Havre pour parfaire leurs connaissances de la langue
française. Eux aussi mentionnèrent ce que Dieu avait fait
en Suède. Quelques pasteurs de Pentecôte ayant entendu parler
du Ruban bleu, y trouvèrent l'hospitalité. Mlle Biolley invita
au Havre un évangéliste bien connu, Smith Wigglesworth, qui
avait tenu en Suisse plusieurs missions couronnées de succès.
Il arriva dans cette ville en 1920, accompagné du prédicateur
hollandais R. G. Polmann. Ils donnèrent une série d'études
bibliques sur la guérison divine et sur le baptême du Saint-Esprit.
Ces deux sujets étaient particulièrement chers au coeur de
cette femme pieuse et à celui de son collaborateur, Félix
Gallice. Le Ruban bleu n'était pas seulement un « hôtel
pour étrangers », mais il servait aussi de lieu de réunion
pour l'école du dimanche. Mlle Biolley était persuadée
qu'il fallait instruire les enfants dans les voies de Dieu. Beaucoup d'enfants
du quartier assistaient aux classes bibliques enfantines. En outre, le
Ruban bleu servait de centre de prière. Mlle Biolley qui croyait
fermement à la puissance dans la prière, tint pendant près
de trente ans des réunions de prière pour dames dans son
hôtel-restaurant. Le sujet prédominant de ces réunions
était : « persévérer dans la prière pour
que le réveil souffle sur la France ». Parlant de ces réunions,
l'une des participantes s'exprime ainsi : « Mlle Biolley priait avec
foi pour le réveil, nous, nous priions dans l'incrédulité
». Les réunions pour adultes faisaient partie du programme
religieux hebdomadaire. Les missions d'évangélisation spéciales
jouaient un grand rôle dans la vie du Ruban bleu. Après une
mission avec Wigglesworth en janvier 1921, cinq personnes furent baptisées
d'eau dans l'estuaire de la Seine. « Une jeune fille atteinte d'une
maladie de coeur fut guérie lors de son baptême. Plusieurs
personnes reçurent le baptême du Saint-Esprit. » En
plus de toutes ses activités au Ruban bleu, Mlle Biolley trouva
le temps de traduire un livre de M. B. Woodworth Etter.
Cet ouvrage, bien connu des pentecôtistes
américains, avait attiré son attention. Désireuse
d'en faire connaître le contenu au public de langue française,
elle traduisit ce livre en 1919, espérant qu'il serait «
une source de bénédictions pour tous ceux qui le liraient
». Dans sa préface de la cinquième édition le
pasteur R. Lebel déclara que « le réveil (introduit
en France par M. D. Scot) est dans une certaine mesure lié
au ministère de Miss Woodworth Etter ». Le Ruban bleu de Mlle
Biolley devint rapidement le centre du christianisme évangélique
en Normandie. Au cours de la décennie suivante, la réputation
de son établissement parvint aux oreilles de trois jeunes gens qui
devaient jouer plus tard un rôle important dans le mouvement de Pentecôte
en France. Deux de ces trois jeunes étaient des étrangers
et le troisième, Félix Gallice, était Français.
Ce dernier qui fut amené à l'Evangile par un traité
que lui avaient remis deux jeunes Anglaises, avait été élevé
dans le catholicisme romain. Toutefois, après la lecture de ce tract,
il fut intrigué par ce que Dieu pouvait faire. « En vérité,
se ditil, ce Dieu protestant peut faire beaucoup de choses. » Rappelé
sous les drapeaux au début de la Première Guerre mondiale
et rempli de crainte à l'idée de ce qui pourrait lui arriver,
F. Gallice se souvint des paroles du traité affirmant que Dieu pouvait
préserver de tout mal. Il promit à Dieu de Le servir s'Il
lui permettait de rentrer sain et sauf. Selon F. Gallice, Dieu le protégea
en effet. « Une nuit, raconta-t-il, Dieu me remit en mémoire
la promesse que je lui avais faite. Il m'appelait à Son service.
Je lui demandai : Et où dois-je me rendre ? La réponse qui
me vint comme une pensée subite semblait me dire : Va au Havre.
» Avant entendu parler du Ruban bleu, il écrivit à
l'adresse qu'on lui avait indiquée. Il partit alors immédiatement
pour le Havre où commença pour lui une longue période
d'activité religieuse. Tandis que sa femme travaillait pour augmenter
leurs maigres revenus, F. Gallice poursuivait l'oeuvre du Seigneur. Le
dimanche, il tenait des réunions pour un groupe de baptistes. Il
prêtait également son concours à l'école du
dimanche. Avec beaucoup d'autres chrétiens, il priait avec ferveur
pour qu'un réveil spirituel semblable à celui du pays de
Galles souffle sur la France.
Le premier des deux jeunes étrangers
déjà cités, Christo Domoutchief, de nationalité
roumaine, voulut, après son service militaire, visiter le Canada
et les Etats-Unis. Quittant la Bulgarie où il avait travaillé,
il partit pour Rome. Là, il obtint un visa pour la France et s'embarqua
à destination de Marseille où il séjourna quelque
temps. Puis, il décida de se rendre à Paris où il
fit la connaissance d'un compatriote du nom de Nicoloff. Domoutchief travailla
un certainà temps dans celle ville puis décida de se rendre
au Havre. A l'hôtel où son compatriote et lui-même étaient
hébergés, une jeune femme demanda à voir Nicoloff.
Or, il se trouva qu'elle demeurait au Ruban bleu. Avant de prendre congé
de ce dernier, elle demanda à Domoutchief qui avait manifesté
le désir de parfaire sa connaissance de la langue française
de descendre au Ruban bleu. Il s'y rendit. Non seulement Mlle Biolley lui
apporta son aide pour l'étude du français, mais elle l'invita
à assister au culte. N'ayant rien de mieux à faire, Domoutchief
accepta l'invitation. Peu après, convaincu de la véracité
du christianisme, il se convertit et fut baptisé d'eau. Mlle Biolley
qui s'entendait à discemer les caractères, décela
en lui l'étoffe d'un futur pasteur. Elle lui conseilla de suivre
les cours d'une école biblique en Angleterre. Après avoir
mûrement réfléchi à la question, il décida
de suivre son conseil. Tout son avoir se réduisait à quatre
livres sterling et à la promesse qu'on lui viendrait en aide. En
1928, C. Domoutchief traversa la Manche pour se rendre à Londres.
Interrogé par les douaniers anglais sur la durée probable
de son séjour dans le pays et sur la somme d'argent dont il disposait,
il répondit : « J'ai quatre livres, et je compte séjourner
deux ans en Grande-Bretagne. » Stupéfaits, les douaniers rétorquèrent
: « Et vous pensez pouvoir vivre deux ans en Angleterre avec quatre
livres ? » Avec une parfaite confiance, C. Domoutchief répondit
: « Mais j'ai une famille qui m'enverra de l'argent ». Fort
heureusement, il fut autorisé à poursuivre son voyage et
à se rendre à Londres où l'accueillit Howard Carter,
directeur de l'école biblique. Pendant son séjour à
l'école, C. Domoutchief renoua connaissance avec le jeune Douglas
Scott qu'il avait déjà vu au Ruban bleu au cours de l'été
1927. Ils se lièrent d'une profonde amitié. C. Domoutchief
suivit pendant deux ans les cours de l'école biblique. A la fin
de 1929 ou au début de 1930, il fut pressenti pour s'occuper d'une
petite assemblée pentecôtiste en Angleterre. Deux ou trois
mois plus tard, D. Scott, qui se trouvait alors au Havre, lui écrivit,
le suppliant de revenir en France.
C. Doumoutchief cependant n'en avait
ni l'intention ni le désir, mais « Dieu, comme il le dit lui-même,
me donna une vision si poignante de la France que je me mis à sangloter
». Il n'était pourtant pas décidé à partir.
Ce ne fut qu'après des difficultés d'ordre financier qu'il
résolut de s'embarquer pour le Havre Où il apporta son concours
à l'oeuvre de Pentecôte toute naissante. Par la suite, il
joua un rôle important dans la propagation du réveil en France
en ouvrant de nouvelles Eglises.
C'est du Danemark que vint le deuxième
étranger dont le nom devait aussi être lié au réveil
de Pentecôte en France. Ove Falg, « luthérien indifférent
» pour reprendre ses propres termes, se rendit à Paris en
1925 alors qu'il était jeune homme.
Au foyer franco-scandinave où
il résidait, il rencontra un groupe de jeunes chrétiens
pentecôtistes anglais, candidat missionnaires de l'Eglise apostolique
de Grande-Bretagne. Parmi eux se trouvait Thomas Roberts qui devait passer
sa vie à promouvoir l'oeuvre de Pentecôte en France, padiculiérement
au sein du récent mouvement charismatique. Cette rencontre produisit
un profond bouleversement dans l'âme de O. Falg qui fit de lui un
partisan convaincu de la réalité de la Pentecôte. Quelque
temps après sa conversion, il fut baptisé d'eau par un pasteur
danois dans une église appelée « Le Tabernacle »
à Paris. En même temps, il « sentit un vibrant appel
de Dieu pour évangéliser la France ». Cet appel devait
se confirmer après une année d'étude biblique à
l'Institut biblique d'Elim à Londres, sous la direction de George
Jeffteys. Au cours d'une réunion missionnaire qui eut lieu au collège,
une jeune missionnaire anglaise travaillant en Chine et amie infime de
Mlle Biolley, parla aux jeunes étudiants et leur montra à
quel point la France avait besoin de jeunes ouvriers consacrés pour
« la moisson d'âmes ». Elle se fit l'interprète
de l'appel émouvant dont l'avait chargée Douglas Scott :
« Venez en France nous aider ! Nous avons besoin d'ouvriers, baptisés
du Saint-Esprit et zélés pour le salut des âmes. Nous
leur demandons de nous rejoindre afin de nous aider dans notre travail
missionnaire en France ». O. Falg raconte : « Cet appel poignant
me fit pâlir d'émotion et j'eus la conviction profonde que
cet appel s'adressait à moi personnellement ». L'évangéliste
George Jeffreys invita ceux qui se croyaient concernés par cet appel
à s'avancer. O. Falg vint au premier rang, s'agenouilla et consacra
sa vie pour le grand champ de mission qu'était la France. L'imposition
des mains par George Jeffteys « me donna, dit-il, une grande assurance
et remplit mon coeur de paix ». Quelques semaines plus tard (en novembre
1930), il se rendit au Havre où il rencontra D. Scott. En voyant
ce dernier, O. Falg eut l'impression de se trouver en présence d'un
officier.
Il raconte la scène comme
suit : « Après m'avoir examiné de la tête aux
pieds, D. Scott me posa des questions courtes et précises : «
Né de nouveau ? » « Oui » « Baptisé
d'eau ? Pas seulement quelques gouttes d'eau sur la tète alors que
vous étiez un bébé ? », « Oui, à
l'Eglise baptiste du Tabemacle à Paris ». « Baptisé
du Saint-Esprit ? » « Oui ». « Comment le savez-vous
? » « Par le fait que j'ai parlé en langues et que je
me suis senti indiciblement heureux! ». Satisfait de mes réponses,
D. scott se mit à rire de bon coeur et dit en français :
« Très bien, bon pour le service ! » En résumé,
les débuts de la Pentecôte en France furent insignifiants.
Les quelques réunions pentecôtistes disséminées
ça et là et indépendantes les unes des autres, le
travail accompli par l'Eglise apostolique britannique, ne constituaient
que quelques gouttes d'eau dans l'océan du catholicisme. Bien que
n'étant pas pentecôtiste, mais très intéressée
par ce mouvement, Mlle Biolley et son hôtel le Ruban bleu servirent
de point de départ au développement futur de la Pentecôte
en France. Elle qui avait rencontré D. Scott en 1927 et avait vu
les fruits de son ministère, l'invita à revenir au Havre.
L'arrivée de D. Scott en janvier 1930 marqua le début d'une
longue période d'évangélisation intensive et fructueuse
dans toute la France.
Il y eut un homme envoyé
de Dieu : son nom était Douglas Scott. Un thème important
et qui revient souvent sous sa plume est celui de sa conception de la «
mission ». D. scott faisait de « mission » le synonyme
de devoir ou d'obligation, il aimait à insister sur la mission ou
l'obligation que Christ avait laissée à l'Eglise. Autrement
dit, la mission de l'Eglise était de prêcher l'Evangile aux
« hommes, femmes et enfants qui sont sous l'empire de Satan ».
Sa position, toute simple, sur l'Eglise,
était étroitement liée à sa position doctrinale.
En conséquence, il plaidait pour un retour aux pratiques et aux
croyances de l'Eglise du premier siècle. « L'Eglise, disait-il,
n'est pas faite de briques et de pierres, elle n'est pas faite par l'homme,
ni projetée par lui ; c'est une institution établie par Dieu
». Le Nouveau Testament fournit le seul modèle valable pour
l'Eglise.
Les écrits et paroles de
Scott eurent des incidences durables et profondes sur le mouvement de Pentecôte
en France. Pour ce qui est des principes théologiques et moraux,
un seul texte doit servir de base : la Bible. Celle-ci, interprétée
dans un fondamentalisme absolu, est considérée comme étant
véridique dans ses moindres détails. Chaque aspect du mouvement
trouve sa justification dans au moins une citation de l'Ecriture, et même
parfois, plusieurs. Pour les pentecôtistes, tout nouveau converti
doit être « sauvé », c'est-à-dire «
né de nouveau » et ensuite « baptisé d'eau ».
Ils mettent en outre l'accent sur une expérience distincte et complémentaire
qui est (celle gories humaines ???) sont d'égale importance
puisque tous les hommes sont perdus spirituellement. La jeunesse d'aujourd'hui
représentant les conducteurs de demain, il convient donc de donner
une certaine priorité aux organisations qui s'occupent de la jeunesse.
De même, les pentecôtistes français sont conscients
de la nécessité d'ensemencer les champs missionnaires de
la doctrine de Christ, aussi donnent-ils une grande importance à
l'oeuvre missionnaire en terre étrangère.
En outre, ils déclarent posséder
la vérité spirituelle qu'ils désirent faire partager
aux autres : en conséquence, leur programme missionnaire à
l'étranger est basé sur ce partage de l'Evangile avec les
autres. Les pentecôtistes français ont établi un organisme
chargé de coordonner les efforts d'évangélisation
à l'étranger. S'efforçant de mieux faire connaître
cette vérité spirituelle en France comme à l'étranger,
le mouvement étudie avec soin les moyens à employer. Pour
les gens cultivés, la littérature a été et
reste le moyen le plus efficace, mais pour atteindre le grand public que
ne peuvent toucher ni les pasteurs, ni la page imprimée, les inventions
de la technologie moderne conviennent mieux. La radio, et plus récemment
encore, la télévision, permettent d'atteindre un auditoire
qui se chiffre par millions. Désirant continuer à répandre
le message de Pentecôte avec plus d'efficacité, la Convention
nationale, après s'être penchée sur l'utilité
de ces organes de propagande, décida de continuer à les exploiter.
Au cours d'une de leurs conventions, les Assemblées de Dieu ont
défini de façon concise leur conception de l'évangélisation
: « Un mouvement sans mission court à sa perte ». La
mission de la Pentecôte est donc de gagner de nouveaux convertis.
Au cours de ses cinquante années
d'existence, le mouvement de Pentecôte en France, poussé par
un intense désir de suivre l'ordre de Christ, a répandu le
message évangélique dans toutes les régions de France.
De plus, non content de maintenir la vérité spirituelle en
France, le mouvement a fait connaître cette vérité,
grâce à un programme missionnaire très intensif, aussi
bien aux pays de l'Europe libre qu'aux autochtones d'autres parties du
monde. Le succès des pentecôtistes est dû à leur
esprit d'entreprise, soutenu par une doctrine solide qui trouve son expression
dans un culte dés simple.
L'unique objectif de Douglas Scott
en venant en France était d'apporter le réveil de Pentecôte
aux Eglises protestantes de ce pays. A cet égard, ses efforts ont
été partiellement de succès ; en effet, quelques Eglises
baptistes et acceptèrent le message ; d'autres, par contre, le refusèrent
nécessité de donner aux nouveaux convertis une spirituelle
entraîna la création des Assemblées de Dieu de France
que les Français ne considèrent pas comme une (conte»
Sion ???) séparée, mais comme une partie du mouvement de
Pentecôte mondial. Dès les débuts du mouvement en France,
D. Scott, très sagement, en confia la direction aux Français
qui l'ont jalousement préservée de tout contrôle étranger.
Ne reconnaissant aucune autorité ecclésiastique supérieure
à l'assemblée locale, les Assemblées de Dieu sont
toutefois étroitement liées entre elles par un esprit fratemel
et par le désir réciproque de répandre le message
de Pentecôte en France et à l'étranger, dans la mesure
où les moyens financiers et le personnel disponible le permettent.
Il existe maintenant en France une Union nationale des Assemblées
de Dieu de France. L'établissement d'un credo de vérités
fondamentales leur a évité des divisions sur le plan doctrinal.
Cette absence de divisions a eu un effet très salutaire car les
querelles doctrinales ont toujours été réduites au
minimum et l'unité du mouvement a impressionné les leaders
des autres confessions ; ainsi, le message de la Pentecôte intégral
a pu être largement répandu.
Les pentecôtistes français
ne demandent pas d'où ils viennent, ni où ils vont. Ils connaissent
leur origine et leur destinée. Face aux 36 000 localités
françaises et aux nombreuses régions non encore évangélisées,
leur tâche est clairement définie. Tant qu'il se trouvera
un lieu non touché par l'Evangile, de manière infatigable,
ils ouvriront une annexe après l'autre, tiendront des campagnes
d'évangélisation et multiplieront les moyens pour atteindre
leurs compatriotes. Pour les pentecôtistes, la France est un pays
qui lance aux jeunes ce grand défi spirituel : « Relever le
manteau d'Elie », regarder le maître qui disparaît à
leurs regards et demander à être revêtus de puissance
pour s'avancer dans le désert des « âmes qui attendent
». Il existe suffisamment de place pour que tous puissent travailler.
Comme il y a encore beaucoup à faire, il ne reste guère de
temps pour s'enliser dans des factions ; même si parfois, les discussions
aux conventions ont semblé déboucher sur une division, il
ne faut pas oublier que les français sont des individualistes très
enclins à discuter et à argumenter. Une discussion ouverte
et franche des questions à débattre est un facteur vital
qui leur permet de préserver leur unité.
Le mouvement de Pentecôte
en France a exercé une profonde influence dans trois domaines :
ii il s'est implanté dans la classe ouvrière ; 2) il a pénétré
parmi les Tsiganes ; 3) il a donné une impulsion spirituelle nouvelle
au sein des Eglises protestantes, en particulier au sein de l'Eglise réformée
de France.
Ces Eglises, ainsi que l'Eglise
catholique, ont remarqué l'avance rapide enregistrée par
le mouvement et son caractère militant. En fait, beaucoup de protestants
confessent ouvertement que les pentecôtistes sont les seuls à
faire des progrès en France. C'est pourquoi quelques groupes protestants
se demandent pourquoi et comment les pentecôtistes français
sont devenus en l'espace de quarante ans la confession protestante la plus
importante en France ; ce à quoi les pentecôtistes pourraient
répondre : « C'est grâce uniquement à la prééminence
que nous accordons au Saint-Esprit, qui nous revêt de puissance et
nous dirige ».
Toutefois, une analyse plus précise
fait découvrir une explication qui cerne de plus près la
réalité. Les facteurs qui ont contribué à cette
croissance rapide comprennent aussi leur organisation, leur dévouement,
leur idéologie et leur enthousiasme. Le message se répand
grâce à la radio, à la télévision et
à la diffusion de littérature. La communication de ce message
est étroitement liée à l'organisation générale
du mouvement en vue de son expansion. Sous le terme « d'évangélisation
personnelle », les pentecôtistes apprennent à gagner
leurs voisins, leurs amis, leurs parents ou leurs collègues de travail
et sont fortement encouragés à le faire. Ils forment un groupe
profondément engagé, motivé par une riche expérience
religieuse, désirant que d'autres puissent faire la même expérience
et posséder ce qu'ils ont découvert. L'efficacité
de leur idéologie vient moins de la doctrine que de leur certitude.
Le pentecôtisme se caractérise par ce jugement lapidaire :
« Ou bien on est pour nous, ou bien on est contre nous ». En
conséquence, ils préconisent une vie sainte, sans ascétisme
rigide.
Convaincus que l'avenir leur appartient,
ils promettent au croyant, selon les Ecritures, une part dans le contrôle
de la future cité terrestro-céleste et dans les récompenses
qui seront accordées. En retour, cette foi dans un avenir positif
engendre chez le chrétien un sentiment de valeur et de puissance
personnelle. Chez les pentecôtistes, il existe un certain fatalisme
positif, convaincus de la véracité de leur message, ils affirment
que Dieu leur donne la puissance nécessaire pour accomplir Son oeuvre,
qu'il les dirige et que les oeuvres suivent la foi.
Les croyants sont convaincus que
s'ils ne peuvent pas atteindre un certain but sur la terre, c'est que Dieu,
tout au moins pour un certain temps, ne le permet pas. S'ils rencontrent
des obstacles ou subissent une défaite, ils s'en remettent tout
simplement à la volonté divine. Dans l'oeuvre qu'il accomplit
pour Dieu, il est difficile à un pentecôtiste d'accepter l'échec.
Il considère l'échec, de façon naïve, comme l'occasion
de « faire le point », d'être « fort dans le Seigneur
», et de s'avancer dans une autre direction.
Le pentecôtisme, à
l'instar de certains groupes socio-religieux de différentes époques,
a été remarqué pour son attirance vers les classes
sociales défavorisées et pour son dévouement à
leur égard. Il n'est donc pas surprenant que ces derniers aient
volontiers accepté le message de D. Scott. Ceux qui avaient peu
ou pas d'espérance dans cette vie furent attirés. ceux qui
n'avaient ni appui social, ni idéologie, trouvèrent dans
son message ce qui pouvait combler le vide de leur vie. De même,
toutes les personnes qui étaient déçues par leur expérience
religieuse, virent alors la satisfaction spirituelle se développer
dans leur Eglise. Quant à ceux qui voyaient se développer
un esprit de mondanité, le pentecôtisme les invitait à
une réforme personnelle, réalité tangible que Dieu
attendait de Son peuple.
Aujourd'hui, on remarque un changement
dans l'appartenance aux diverses classes sociales. Les enfants de parents
pentecôtistes font des études universitaires et embrassent
des professions libérales. A la limite, on trouve tous ceux qui
se joignent au mouvement parce qu'ils sont déçus par la vie,
leur religion ou leur vocation. Le pentecôtisme a fait une brèche
parmi loi intellectuels et le temps nous révélera si cette
tendance doit subsister ou disparaître.
Lors d'une interview exclusive accordée
une année avant sa mort, on demanda à D. Scott ce qu'il pensait
de l'avenir du mouvement en France. Il répondit qu'à son
avis, l'avenir dépendrait de la façon dont les Français
continueraient à se « laisser conduire par l'Esprit ».
S'ils le refusaient, dit-il, le résultat serait le même que
pour les réveils des temps passés. « Le mouvement deviendrait
statique ; il ne serait donc plus un mouvement, mais un monument ».
Il laissa libre cours à ses préoccupations en la matière,
en ajoutant que le mouvement ne serait plus alors qu'un témoin muet
du « réveil qui avait eu lieu mais n'existait plus ».
D'autres, faisant aussi part de leur inquiétude, reconnaissaient,
que pour que le mouvement demeure spirituel, les pasteurs et les laïques
devraient retrouver la « ferveur de l'esprit de prière, renoncer
au monde et se consacrer au Seigneur, comme c'était le cas dans
les années trente ». Toutefois il est un autre problème
qui se pose, celui de savoir si « le pentecôtisme français
n'approche pas de son apogée ».
Une analyse de la croissance du
mouvement de Pentecôte indique que, pendant les trente à cinquante
premières années, le taux de croissance a été
extraordinaire. D'une part, tout mouvement qui commence par un petit nombre
voit son pourcentage de croissance diminuer obligatoirement au fur et à
mesure que le nombre de ses disciples augmente. D'autre part, lorsque la
ferveur d'un mouvement diminue et que le statut social et économique
des participants s'améliore, il en résulte une certaine stagnation.
Les pentecôtistes français pourront peut-être éviter
la stagnation en gardant leur ferveur et leur enthousiasme, en se laissant
moins accaparer par le « bon entretien des rouages de l'organisation
» et en ranimant constamment en eux l'écho des paroles de
Christ : « Allez. . .prêcher la bonne nouvelle . . . Voici
les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru ».
Un danger très subtil guette
les pentecôtistes. Comme ce fut le cas pour d'autres fondamentalistes,
le mouvement est en danger de devenir prisonnier de son propre système
doctrinal.
La doctrine fondamentaliste, à
cause du dogmatisme qui lui est inhérent, limite la libre recherche
et la poursuite de la vérité, emprisonnant ainsi ses adeptes.
Les Français, toutefois, sans éviter complètement
cette contrainte virtuelle, ont très nettement déclaré
qu'ils n'étaient pas fermés à la vérité
et les pentecôtistes devraient continuer à la poursuivre.
Quel que soit l'aboutissement final
du pentecôtisme, c'est un fait certain qu'en quarante ans, le mouvement
a exercé une profonde influence sur la scène religieuse en
France.
Jesse Lyman Hurlbut "l'histoire de l'Eglise Chrétienne" (Editions Vida)