Le pasteur Wurmbrand a passé 14 années dans
les prisons communistes de Roumanie, dont près de 3 années
de solitude complète en cellule d'isolement. Les nombreuses expériences
qui furent les siennes sont décrites dans un grand nombre de livres
qui devinrent des best-sellers. Dans un de ses livres, il raconte dans
un poème ce qui fut l'une de ses plus profondes expériences
spirituelles:
"Seul dans ma cellule, maintenant, je pouvais sentir presque
physiquement la présence de Satan. Il faisait sombre, froid, et
il se moquait de moi. La Bible parle de lieux retirés où
les esprits mauvais dansent, et j'étais dans un de ces lieux. J'entendais
sa voix, jour et nuit: "Où donc est ton Jésus? Ton sauveur
ne peut pas te sauver. On t'a menti, et tu as menti aux autres. Il n'est
pas le Messie ! Tu t'es trompé de personne !" Alors j'ai crié:
"Et qui est le vrai Messie qui doit venir?" La réponse fut simple,
mais trop blasphématoire pour être répétée
ici. J'avais écris des livres et des articles prouvant que Jésus
était le Messie, mais je n'avais pas même un seul argument
à présenter. Le diable, qui était parvenu à
faire douter en prison Nils Hauge, le grand évangéliste norvégien,
qui avait fait de même à Jean Le Baptiste dans son donjon,
s'acharnait contre moi. J'étais sans défense. Ma joie, et
ma sérénité, tout s'en était allé. J'avais
senti le Christ si proche de moi auparavant, enlevant mon amertume, illuminant
mes ténèbres, mais à ce moment je criais: "Eli, Eli,
lama sabachtani". J'étais totalement seul, abandonné. Durant
ces jours effroyables de noirceur, lentement j'ai composé un poème,
qui ne serait pas aisément accepté par ceux qui n'ont pas
connu les mêmes expériences physiques et spirituelles. Ce
poème me sauva. Avec ces mots, leur rythme, et leur répétition,
j'ai réussi à vaincre Satan. Voici, sans les rimes, ni le
rythme, le poème dans son sens exact traduit du roumain:
Depuis mon enfance j'ai fréquenté églises
et temples.
En eux, Dieu est glorifié.
Différents prêtres chantaient, avec zèle.
Ils disaient qu'il était bon de T'aimer.
Mais en grandissant, je vis tellement de malheurs dans
le monde de ce Dieu que je me dis à moi-même: "Il a un coeur
de pierre. Autrement, il ôterait les difficultés de notre
chemin."
Des enfants malades luttant contre la fièvre dans
des hôpitaux, pendant que leurs parents prient pour eux. Le Ciel
reste sourd.
Ceux qui nous aimons partent pour la vallée de
l'ombre et de la mort, et pourtant nous avions prié très
longtemps. De jeunes hommes innocents brûlent vif dans une fournaise.
Et le Paradis est silencieux.
Il laisse les choses se faire.
Dieu ne s'est-Il jamais posé la question si, même
à voix basse, les croyants eux-mêmes ne commençaient
pas à douter?
Affamés, torturés, persécutés
dans leur propre patrie, leurs questions demeurent sans réponse.
Le Tout-Puissant n'est pas concerné par les horreurs
qui sont notre lot.
Comment puis-je aimer le Créateur des microbes,
et des tigres mangeurs d'hommes?
Comment puis-je aimer Celui qui torture tous ses serviteurs
parce que l'un d'eux une fois a mangé d'un arbre?
Plus triste que Job, je n'ai plus ni femme, ni enfants,
ni consolateurs, etdans cette cellule, il n'y a pas de lumière,
pas même un peu d'air, c'est trop dur à supporter.
De mon lit en planche, ils me feront un cercueil. Étendu
sur mes planches, je me demande encore pourquoi mes pensées vont
vers Toi, pourquoi mes écrits vont vers Toi?
Pourquoi j'ai cet amour passionné pour Toi, pourquoi
je n'arrive pas à chanter à quelqu'un d'autre qu'à
Toi?
Je sais que je suis rejeté; dans un petit moment,
je serai dans un trou, en train de pourrir.
La fiancée du Cantique des cantiques ne t'aime
pas lorsqu'elle demande si Tu es "correctement aimé".
L'amour est à lui-même sa propre justification.
L'amour n'est pas pour les hommes sages.
Même si mille embûches se dressaient sur
sa route, elle continuerait d'aimer.
Même si le feu la brûlait ou si les vagues
l'emportaient, elle continuerait d'embrasser la main qui la blesse.
Si elle ne trouve aucune réponse à ses
questions, elle a confiance et elle attend.
Un jour, dans ces lieux retirés, le soleil brillera
et tout ce qui est caché sera révélé pleinement.
Le pardon de ses nombreux péchés n'a fait
qu'augmenter l'amour ardent de Madeleine.
Mais elle a donné son parfum, et versé
ses larmes avant que Tu ne lui adresses les mots du pardon.
Si ces mots n'étaient pas sortis de Ta bouche,
elle serait restée là, à t'aimer, en restant dans
ses péchés.
Elle t'aimait avant que Ton sang ne se mette à
couler.
Elle t'aimait avant que Tu ne la pardonnes.
Je ne demande pas non plus s'il est bon et légitime
de T'aimer.
Je ne T'aime pas pour obtenir un jour le salut.
Je t'aimerai même si mes malheurs durent éternellement.
Je T'aimerai jusque dans le feu de l'enfer.
Si Tu avais refusé de descendre jusqu'aux hommes,
Tu serais resté mon rêve, lointain.
Si Tu n'avais pas voulu semer Ta Parole, je T'aurais
aimé sans l'avoir entendue.
Si le jour de la Crucifixion, Tu avais hésité
et même si Tu T'étais enfui, et que le salut n'existerait
pas, je T'aimerais quand même.
Et si j'avais découvert qu'il y avait du péché
en Toi, je le couvrirais de mon amour.
Maintenant, je n'ai plus peur de dire les paroles d'un
fou, pour que tous sachent combien je T'aime.
Maintenant, je vais faire vibrer des cordes que personne
n'a jamais touchées et je vais Te magnifier avec une musique nouvelle.
Si des prophètes annonçaient quelqu'un
d'autre, je les quitterai pour rester avec Toi.
Qu'ils produisent un millier de preuves, mon amour n'ira
qu'à Toi.
Si j'étais divinement averti que Tu fus un trompeur,
en pleurant je prierais pour Toi, et même si je ne Te suivais pas
dans l'erreur, mon amour ne diminuerait pas pour Toi.
Pour Saül, Samuel passa sa vie dans le jeûne
et les larmes. Même si j'apprenais que Tu avais perdu, mon amour
résisterait.
Si c'était Toi et pas le diable qui T'étais
révolté contre le ciel, et avais perdu la sympathie des anges,
si Tu étais tombé comme un archange, de haut, de très
haut, sans espoir, moi je continuerai d'espérer que le Père
Te pardonne et qu'un jour Tu marcherais de nouveau dans les rues pavées
d'or du Ciel.
Si Tu n'étais qu'un mythe, je fuirais la réalité
et me réfugierais avec Toi dans le rêve.
Si l'on me prouvait que Tu n'existes pas, c'est mon amour
qui Te donnerait la vie.
Mon amour est fou, sans motif et sans raisons, comme
le Tien.
Seigneur Jésus, trouve un peu de bonheur dans
ce lieu où je me trouve. Je ne puis pas t'offrir plus.
Lorsque j'eus écrit ce poème, je n'ai plus
jamais senti la proximité de Satan. Il était parti. Dans
le silence, je sentais le baiser de Christ. Tout le monde est silencieux
quand on l'embrasse. Le calme, et la joie
revinrent."
Source: Michael Wurmbrand