Nous savons peu de choses sur cet homme remarquable, sinon
que c'est à lui qu'on doit l'impression de la première traduction
de la Bible en anglais. Il naquit aux environs de 1492, fit des études
aux Universités d'Oxford et de Cambridge; les connaissances acquises
lui permirent de lire les Saintes Ecritures en grec, il apprit ainsi à
les aimer et à mettre sa confiance en elles.
A cette époque, il était formellement interdit
de traduire aucune portion des textes bibliques en langue anglaise sans
l'autorisation de l'évêque: «Cela seul m'induisit à
traduire le Nouveau Testament », écrivit alors Tyndale.
Il considérait ce travail comme le service le plus
noble qu'il pût rendre à son pays; lorsqu'il eut pris cette
décision, il prononça ces paroles bien connues.: «Si
Dieu me prête vie, d'ici peu d'années je ferai en sorte que
le garçon qui tient les cornes de la charrue en saura plus long
que toi sur les Saintes Ecritures ».
Il se rendit à Londres dans ce but, mais ne tarda
pas à se rendre compte d'une chose, à savoir qu'il n'y avait
pas "dans le palais de Monseigneur de Londres une seule pièce appropriée
à la traduction du Nouveau Testament, que même, dans l'Angleterre
entière, il ne trouverait pas un seul endroit pour y travailler".
Aussi se décida-t-il de partir pour Hambourg; il ne devait jamais
revoir sa terre natale.
Thomas More qui le connut en Allemagne affirme que «Tyndale
était connu comme un homme de bien, rangé dans ses habitudes,
studieux et bien versé dans les Ecritures». Et Foxe déclare
qu'il possédait sept langues: l'anglais, le français, l'italien,
l'espagnol, l'hébreu, le grec et le latin, et que, quelle que fût
celle qu'il parlait, on aurait cru que c'était sa langue maternelle.
Dès 1526, les premiers exemplaires de sa traduction
parvinrent en Angleterre; des marchands britanniques les passèrent
en contrebande dans leurs bateaux chargés de blé, et les
volumes circulèrent aussitôt de mains en mains.
Bien qu'exilé, Tyndale n'en restait pas moins sujet
du roi, Henri VIII, qui essaya de le persuader de revenir au pays, mais
le chrétien refusa en répliquant à l'envoyé:
«S'il était conforme au bon plaisir du Roi de donner le simple
texte des Saintes Ecritures à son peuple dans la traduction qui
plairait à Sa Majesté, je ferais immédiatement la
promesse de ne plus écrire et de ne pas rester deux jours de plus
ici; je retournerais immédiatement dans son royaume et là,
je me jetterais aux pieds de Sa Majesté royale, offrant mon corps
pour qu'on lui inflige n'importe quelle douleur ou torture, et même
n'importe quelle mort que Sa Majesté ordonnerait, pourvu que j'obtienne
cela».
Tyndale parle peu de sa vie privée. Il fait de
lui-même la description suivante: «Peu favorisé des
biens de ce monde, sans grâce aux yeux des hommes, timide, d'aspect
rude, monotone et sans esprit ». D'Allemagne il se rendit en Hollande,
où il eut à coeur de visiter les réfugiés anglais
malades et pauvres; le dimanche il prêchait à un petit auditoire.
Malheureusement trahi, il fut jeté en prison, où
il languit pendant près d'une année.
Au cours de sa captivité il adressa au gouverneur
une lettre que voici:
«Je présumé, honoré seigneur,
que vous n'ignorez pas le sort qui m'attend. Je supplie donc votre seigneurie,
au nom de Jésus-Christ, que, si je dois demeurer ici tout l'hiver,
elle veuille bien intercéder auprès du Procureur pour qu'il
prenne, parmi ceux de mes biens qu'il détient en sa possession,
un bonnet plus chaud, car je souffre cruellement de froid à la tête,
étant affligé d'un catarrhe continuel qui ne fait que s'aggraver
dans cette cellule. Et aussi qu'il m'octroie un manteau plus chaud, car
celui que je porte est des plus minces; puis une pièce d'étoffe
pour raccommoder mes guêtres, mon manteau est tout usé, mes
chemises aussi. Qu'il veuille bien me faire remettre une chemise de laine
qu'il a en sa possession, ainsi que des guêtres plus épaisses
et un bonnet chaud pour la nuit. J'implore aussi la grâce que l'on
m'accorde une lampe pour la soirée, car il est très pénible
de rester seul dans l'obscurité. Mais, par dessus tout, je supplie
instamment votre Hautesse d'insister auprès du Procureur pour qu'il
m'autorise à avoir ma Bible hébraïque, ma grammaire
hébraïque et mon dictionnaire hébreu, afin que je puisse
utiliser mon temps à étudier. En retour, puissiez-vous obtenir
la réalisation de vos voeux les plus chers, pourvu qu'ils soient
en harmonie avec le salut de votre âme. Mais si, avant la fin de
l'hiver, on prend une autre décision à mon endroit, j'aurai
patience et j'attendrai de voir la volonté de Dieu à mon
sujet, afin que tout tourne à la gloire de la grâce du Seigneur
Jésus-Christ, dont je souhaite que l'esprit dirige toujours votre
coeur. Ainsi soit-il! W. Tyndale.»
Ses amis anglais écrivirent des lettres d'appel
pour obtenir sa grâce, mais ce fut en vain. Le 6 octobre 1536 Tyndale
fut conduit à l'échafaud où il fut étranglé,
puis brûlé. Avant de subir le supplice, il cria d'une voix
puissante: «Seigneur, daigne ouvrir les yeux du roi d'Angleterre!»
Cette prière fut exaucée une année
après, quand le roi donna l'autorisation de publier et de vendre
la Bible en anglais. Cette nouvelle édition contenait la traduction
faite par Tyndale des cinq livres de Moïse, des livres historiques
jusqu'au second livre des Chroniques, et du Nouveau Testament.
De son oeuvre Tyndale avait écrit ce qui suit:
« J'appelle Dieu à témoin, au jour où nous comparaîtrons
devant son trône pour rendre compte de nos actes, que je n'ai pas
altéré la moindre syllabe de sa Parole le sachant et le voulant,
et ne le ferais pas aujourd'hui, même si l'on m'offrait toutes les
richesses, tous les honneurs et tous les plaisirs du monde.»
Cela est si vrai que sa traduction servit de base à
celles de ses successeurs, notamment à la version la plus populaire
en Angleterre, celle faite sur l'ordre du roi Jacques (King James).
- Sébastien Théret