1. Après avoir raconté les Bienfaits de Dieu envers les hommes,
le psalmiste célèbre la grandeur de sa Miséricorde. Il n'entreprend pas de la
mesurer (cela est impossible), mais il veut faire comprendre son étendue par son
éternité, et il invite tous les hommes à chanter la Gloire de Dieu : "Louez le
Seigneur," c'est-à-dire, rendez-Lui des actions de grâces, célébrez ses
louanges, "parce que sa Miséricorde est éternelle." Que signifient ces paroles :
"Est éternelle ?" C'est-à-dire qu'en Dieu on ne voit point l'oubli succéder à la
bienfaisance, l'indifférence à la miséricorde, comme il arrive trop souvent
parmi les hommes que leurs passions dominent, que leur condition enchaîne, que
leur état dé dépendance arrête, et à qui les événements ne permettent pas d'agir
comme ils le voudraient. Telle n'est point la Conduite de Dieu, jamais Il
n'interrompt le cours de sa Miséricorde, jamais Il ne cesse de l'exercer, par
des moyens variés à l'infini. Il est donc toujours miséricordieux et Il ne cesse
de répandre ses Bienfaits sur les hommes. Après avoir proclamé que sa
Miséricorde est éternelle, le prophète donne les preuves de son éternelle durée,
et les emprunte au spectacle des choses visibles. Comme son dessein est
d'inspirer l'autour de la vraie religion, il établit de nouveau une comparaison
entre Dieu et les dieux des gentils, pour l'accommoder à la portée de ceux
auxquels il s'adresse : "Louez le Dieu des dieux, s'écrie-t-il," (Ibid., 2), et
il ajoute à chaque verset : "Parce que sa miséricorde est éternelle." Et encore
: "Louez le Seigneur des seigneurs." (Ibid., 3). Dans le psaume précédent il
avait enseigné qu'il était au-dessus de tous les autres dieux; (Ps 134,5); ici,
il va plus loin et le proclame le Maître et le Seigneur des idoles, ou si vous
le voulez, des démons. Eu effet, quoique les démons se soient couverts
d'opprobre par leur révolte contre Dieu, ils ne laissent pas d'être ses
serviteurs et ses sujets. Célébrez donc la Gloire de votre Dieu, s'écrie-t-il,
parce qu'il est le Dieu souverain qui n'a point d'égal, et qui est le Maître et
le Seigneur de tout ce qui existe. Or, Dieu S'appelle aussi le Dieu de ceux qui
lui sont agréables, comme lorsqu'Il dit : "Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu
d'Isaac et le Dieu de Jacob." Comment donc le proclame-t-on ici le Dieu des
démons ? Il est le Dieu des uns et des autres, mais d'une manière différente. Il
est le Dieu des justes en ce sens qu'il leur est uni par les liens de l'amour le
plus intime, il est le Dieu des démons, parce qu'Il est infiniment au-dessus
d'eux.
"C'est Lui qui fait seul de grands prodiges, parce que sa
Miséricorde est éternelle." (Ibid., 1). Il prouve maintenant ce qu'il vient
d'avancer, que Dieu est le Maître et le Seigneur des dieux, et il démontre cette
vérité, comme il l'a déjà fait, par les effets de sa Puissance, or, il ne dit
pas : Qui a fait; mais "qui fait," parce que Dieu ne cesse de répandre ses
grâces et d'opérer des prodiges qui surpassent l'intelligence humaine. Le
prophète fait surtout ressortir ces deux caractères de l'opération divine : Dieu
agit et Il agit seul, ou plutôt Il donne quatre caractères de sa supériorité :
Dieu agit, Il fait des prodiges, ce sont de grands prodiges, et Il est le seul
pour les opérer. Gardons-nous de croire que le prophète veuille ici rabaisser le
Fils, son dessein est de montrer la distance infinie qui sépare Dieu des démons.
Voyons maintenant quels sont ces prodiges extraordinaires qui sont du domaine
exclusif de Dieu. En commençant ce psaume il n'était question, ce semble, que de
la Bonté de Dieu, et non de sa Puissance : "Louez le Seigneur parce qu'il est
bon." Pourquoi donc parler maintenant de sa puissance ? Parce que ces prodiges
étaient à la fois des effets de sa Puissance et de sa Miséricorde. Quels sont
ces prodiges ? les voici : "Qui a fait les cieux avec intelligence ? Qui a
affermi la terre sur les eaux ?" Un autre interprète traduit : "Qui a condensé
la terre dans les eaux ? Qui a fait seul de grands luminaires, le soleil pour
présider au jour, et la lune et les étoiles pour présider à la nuit." (Ibid.,
5-9). Ce sont là des actes de sa Puissance et de sa Sagesse, mais ce sont aussi
des témoignages de sa Bonté. La grandeur, l'éclat, la stabilité de ces oeuvres
divines proclament la Puissance et la Sagesse de leur Créateur, mais la
destination que Dieu leur a donnée d'être à notre service, témoigne de son Amour
et de son éternelle Bonté. Vous comprenez comment sa Miséricorde est éternelle;
la durée de ses oeuvres n'est pas limitée à dix, vingt, cent, deux cent mille
années, elle est égale à la durée de l'existence de l'homme sur la terre. Voilà
pourquoi le psalmiste termine chaque verset en répétant : "Parce que sa
miséricorde est éternelle." Prodige vraiment admirable. Dieu est l'auteur de ces
merveilles; après les avoir créées, Il les a consacrées au service de l'homme,
après son péché même il ne l'en a point dépossédé; Il lui a laissé après sa
désobéissance, la jouissance des biens qu'Il lui avait donnés auparavant, et Il
ne lui en a point retiré l'usage après un si grand crime. Et ce ciel visible
n'est point le seul qu'il ait fait, Il en a créé un autre pour nous apprendre
dès le commencement du monde qu'Il ne nous laisserait pas sur la terre, mais
qu'Il nous transporterait dans cet autre ciel qu'il nous destine. Car si nous ne
devions pas l'habiter un jour, pourquoi l'avoir créé ? Dieu n'en a que faire, il
n'a besoin de rien; si donc il a préparé cette demeure, c'est pour nous y
établir lorsque nous quitterons la terre.
2. Aussi, le prophète à qui Dieu a révélé ce secret, est saisi
d'admiration et répète après chaque verset : "Parce que sa Miséricorde est
éternelle." "Il a affermi la terre sur les eaux." Voici un nouveau témoignage de
sa Bonté. Après que nous sommes devenus mortels et soumis à mille nécessités,
Dieu ne nous a pas abandonnés, Il nous a donné eu attendant une demeure
convenable, et Il a rempli la terre de tant témoignages de son Amour, que la
parole est impuissante à les redire. Voilà pourquoi, le prophète à la vue de cet
abîme de bienfaits et de cette mer sans rivages, s'écrie à haute voix : "Que tes
oeuvres sont grandes, ô Seigneur, tu as fait toutes choses avec sagesse." (Ps
103,24). Considérez encore le soleil, la lune, la succession des saisons, et
vous aurez une nouvelle preuve de son infinie Bonté. En effet, ces éléments
flous sont de la plus grande utilité pour l'ornement et pour le soutien de notre
vie. Ils donnent la sève et la maturité aux fruits qui sont les aliments
nécessaires de la vie, ils délimitent les saisons, marquent les heures,
déterminent la durée du jour et de la nuit, sont les guides des voyageurs sur
terre et sur mer, et nous rendent encore mille autres services. Voyez-vous
comment la Miséricorde de Dieu est éternelle, et que c'est avec raison que le
psalmiste proclame cette vérité après chaque verset ? Un autre interprète au
lieu de : "Pour présider au jour," traduit : "Pour dominer sur le jour." Un
autre, au lieu de : "Pour présider à la nuit," traduit : "Pour exercer sa
Puissance dans la nuit."
"Qui a frappé l'Égypte avec ses premiers-nés ? Qui a fait
sortir Israël du milieu d'eux ? Avec une main puissante et un bras élevé."
(Ibid., 10-12). Il revient continuellement sur les prodiges qui eurent lieu en
Égypte, à cause de l'ingratitude des Juifs qui les oubliaient sans cesse, bien
qu'on les rappelât continuellement à leur esprit. Vous avez ici un signe
éclatant de la Miséricorde divine, qui par ce prodige, les a délivrés de la
servitude, et a ménagé à leurs descendants la connaissance du vrai Dieu. Il y a
encore ici un autre enseignement. Quel est-il ? C'est qu'après la plaie des
premiers-nés, Dieu a fait éclater sa Puissance en rompant les chaînes de leur
esclavage, en frappant d'épouvante les Égyptiens et en les ensevelissant dans la
mer. or, le psalmiste rappelle cette circonstance pour prévenir l'interprétation
irréfléchie de ceux qui verraient un acte de faiblesse dans le commandement fait
aux Israélites de prendre l'or et les vases d'argent des Égyptiens. Dieu en agit
ainsi pour Se rendre terrible à ses ennemis par tous les moyens, et les
convaincre que toutes ses actions portent le caractère de sa Puissance et de sou
Autorité, et qu'Il était aussi en son Pouvoir de les faire tomber dans le piège
qu'Il leur tendait. Lorsqu'il agit ouvertement, ce n'est point qu'Il ne pût
séduire et tromper ses ennemis; et s'Il leur tendit des pièges, ce n'était point
par impuissance d'agir ouvertement, car d'un côté comme de l'autre, Il fait
éclater également sa Puissance. Voulez-vous savoir l'effroi que cet événement
inspira aux étrangers ? Écoutez ce que dirent plus tard les devins d'Azot :
"C'est là ce Dieu terrible qui a frappé l'Égypte, et qui, après s'être joué de
ses habitants, a délivré les Israélites." (I Roi 6,6). Vous voyez que la crainte
de ces peuples a pour cause le vol, la tromperie dont les Égyptiens ont été
victimes, et leur entière destruction. "Qui a divisé en deux parties la mer
Rouge." (Ibid., 13). Suivant une autre version : "En deux sections." Suivant une
autre : "En plusieurs ouvertures," Quelques interprètes en effet, affirment que
la mer, en se divisant, ne laissa pas seulement une route unique, mais qu'elle
ménagea autant de passages qu'il y avait de tribus. Tous ces prodiges n'avaient
pas seulement pour but de faire éclater la Puissance de Dieu, sa Grandeur, et de
montrer combien Il était redoutable. Ils étaient encore autant de preuves de son
infinie Bonté non seulement pour ceux en faveur desquels Il opérait ces
prodiges, mais aussi pour ses ennemis, s'ils avaient voulu se rendre attentifs.
Si Dieu en effet, les ensevelit dans la mer, ce n'est pas sans raison, c'est
lorsqu'après tant de miracles, ils poussent l'audace jusqu'à vouloir affronter
la fureur des flots. Fussent-ils dépourvus de toute intelligence, leur devoir
était, au souvenir des prodiges qui avaient précédé, et à la vue de ce qui
s'accomplissait sous leurs yeux, d'admirer avec crainte, d'adorer la Puissance
de Dieu, et de mettre fin à une lutte aussi déplacée. Loin de là, ils ont vu
tous les éléments se transformer sous la Main de Dieu, au gré de sa Volonté,
pour leur faire la guerre, et rien n'a pu triompher de leur opiniâtreté. Que
dis-je ? ils sont témoins d'un prodige qui dépasse toute pensée humaine, et ils
osent s'engager dans une route si nouvelle, si extraordinaire pour eux. Voilà
pourquoi la mer devint leur tombeau. Ce n'était point là un effet des lois
naturelles, le coup partait du ciel; aussi les phénomènes les plus opposés se
produisent presqu'en même temps, et la mer se divise de manière à offrir non un
seul passage, mais autant de routes qu'il y avait de tribus.
Or, la miséricorde se trouve mêlée à chacun de ces prodiges. En
effet, comme Dieu se servait des éléments pour les opérer, il n'avait rien tant
à coeur que de prévenir l'opinion qui les aurait regardés comme des oeuvres
purement naturelles, et de leur imprimer le caractère de cette puissance céleste
à qui seule il appartient de faire des miracles supérieurs aux lois de la
nature. C'est ce qu'il fit alors dans la mer Rouge, et la preuve manifeste,
c'est que jamais on ne vit un prodige semblable; tandis que les phénomènes
naturels se reproduisent fréquemment et à des époques réglées. "Qui a fait
passer Israël par le milieu de cette mer, parce que sa Miséricorde est
éternelle." (Ibid., 14).
3. C'est donc à juste titre que le prophète répète après chaque
verset : "Parce que sa Miséricorde est éternelle." Car ces prodiges sont un
témoignage frappant de cette providence dont l'action ne s'épuise jamais. Ces
événements sont passés, il est vrai, mais le souvenir en est resté, et a été
pour les descendants des Israélites un moyen puissant d'arriver à la
connaissance de Dieu. Ils étaient racontés de génération en génération, et
inspiraient l'amour de la vraie sagesse. Ne croyons pas toutefois que l'action
de cette providence paternelle se soit bornée à ces événements, et que la Bonté
de Dieu pour son peuple ne se soit manifestée que dans les prodiges de l'Égypte;
chaque époque, chaque période de l'histoire des Juifs a vu s'étendre jusqu'à
elle les effets sensibles de la Bonté divine. C'est en admirant cette suite non
interrompue de bienfaits que le prophète ne cesse de répéter : "Parce que sa
Miséricorde est éternelle." Il ajoute avec raison : "Il a fait passer Israël par
le milieu de cette mer;" car, c'est là encore un acte de sa Puissance. Il ne
suffisait pas en effet que la mer se retirât et qu'elle offrît aux Israélites un
passage facile. La vue de ce prodige inouï les aurait bien plutôt frappés
d'étonnement, de crainte et d'épouvante et jamais ils n'auraient osé s'engager
dans cette voie. Dieu donc manifesta sa Puissance, après que la mer se fut
retirée, en leur inspirant le courage et la résolution nécessaires pour
traverser une route aussi nouvelle, aussi extraordinaire pour eux. Les eaux se
tenaient des deux côtés, comme deux montagnes élevées, il leur fallait donc
avoir autant d'intrépidité que de courage pour oser traverser cette route sans
craindre que ces deux montagnes d'eau ne vinssent à retomber sur eux, et à
ensevelir l'armée tout entière. "Il a secoué Pharaon avec son armée dans la mer
Rouge;" (Ibid., 15); expression qui nous fait comprendre avec quelle facilité
ils ont été engloutis dans les flots. Considérez encore comment Dieu avec sa
Puissance et sa juste Colère, manifeste également sa Patience. Il ne les a pas
exterminés tout d'abord, malgré leur impudence et leur opiniâtreté; c'est
d'eux-mêmes et de leur plein gré qu'ils se sont précipités dans l'abîme. C'est
avec justice que l'armée elle-même fut détruite, elle avait participé aux crimes
des princes et à la persécution du peuple de Dieu, elle devait également prendre
part au châtiment et au supplice.
"Qui a conduit son peuple dans le désert, parce que sa
Miséricorde est éternelle." (Ibid., 16). Ce prodige n'est pas moins surprenant
que le passage de la mer Rouge. Ils étaient sur la terre ferme, il est vrai, et
pouvaient y établir leurs campements; mais cependant que de difficultés, que de
pénibles épreuves, capables de les faire périr de la mort la plus cruelle : la
faim, l'épuisement, la soif, les rayons d'un soleil qui les dévorait, la
multitude des bêtes féroces, et la privation absolue des choses nécessaires. Or,
vous savez de combien d'éléments l'homme a besoin pour soutenir son existence.
Tout leur manquait à la fois, aucun toit pour les abriter, point d'aliments,
point de vêtements, point de chaussures, ni rien de ce que nous avons
d'ordinaire; ils marchaient à travers la solitude, comme ceux qui exécutent des
choeurs de danse au milieu des cités, or, remarquez combien de miracles opérés
dans le désert, combien d'années de leur gouvernement le psalmiste passe sous
silence. Il se borne à deux prodiges qui éclatèrent dans la guerre qu'ils
soutinrent contre deux rois; il ne nous décrit ni cet aliment nouveau, ni cette
tente merveilleuse, ni cette lumière qui ne cessait de briller, ni leurs
vêtements qui duraient toujours, ni leurs chaussures qui ne s'usaient pas, ni
les sources qui jaillirent des rochers, ni tant d'autres prodiges non moins
nouveaux et non moins admirables qui avaient pour but d'aplanir pour eux les
difficultés du voyage. Il n'en choisit que deux et rappelle comment Dieu
extermina les rois barbares et fit remporter sur eux à son peuple de glorieuses
victoires. Pour les autres prodiges, il laisse à ses auditeurs le soin de les
recueillir en leur mémoire. "Il a frappé de grands rois. Il a fait mourir des
rois puissants, Sehon, roi des Amorrhéens, et Og, roi de Basan." (Ibid., 17-20).
Et le psalmiste ajoute à chaque victoire : "Parce que sa Miséricorde est
éternelle,") pour montrer que les ennemis avaient beau se succéder sans
interruption, ils ne pouvaient triompher du peuple de Dieu, parce que la Bonté
de Dieu ne cessait de le défendre. C'est le sens de ces paroles qu'il rappelle
continuellement : "Parce que sa Miséricorde est éternelle."
"Et il leur a donné leur terre en héritage; en héritage à
Israël." (Ibid., 21,22). Il y a ici un double bienfait, ils triomphent de leurs
ennemis, et ils s'emparent de leurs biens. Il fallait en effet, une puissance
extraordinaire, non seulement pour expulser les habitants de cette contrée, mais
pour s'emparer et se rendre maîtres d'un pays étranger. Le prophète met ensuite
dans un plus grand jour cette vérité qu'ils sont redevables de ces bienfaits non
point à leurs mérites, mais à la Bonté de Dieu. "Le Seigneur s'est souvenu de
nous dans notre affliction. " (Ibid., 23). Ce ne sont donc point nos bonnes
oeuvres, ce n'est point la prospérité, c'est l'affliction qui nous a mérité le
souvenir de Dieu; c'est-à-dire, la vue de nos malheurs et de nos souffrances a
suffi pour Le fléchir. En effet, lorsque Dieu voulut les délivrer de la
servitude de l'Égypte, Il ne dit pas : J'ai vu qu'ils étaient revenus à de
meilleurs sentiments, mais : "J'ai vu l'affliction de mon peuple dans l'Égypte."
(Ex 3,7). "Et Il nous a délivrés de nos ennemis." (Ibid., 24). Son dessein n'est
pas de faire une énumération détaillée des guerres, des attaques, des victimes,
des trophées du peuple de Dieu; il résume en un seul mot la longue suite de
leurs triomphes, passe sous silence les bienfaits particuliers aux Juifs, et
finit par un trait de la Providence générale de Dieu sur le monde : "Il donne la
nourriture à toute chair." Une autre version porte : "Qui donne le pain. Une
autre : "Donnant le pain." Le principe producteur des fruits n'est donc ni la
terre, ni les pluies, ni l'air, ni le soleil, ni quelqu'autre élément créé,
c'est à Dieu seul qu'il faut tout rapporter. Admirez encore ici non seulement sa
Puissance, mais sa Bonté ineffable. Car ces paroles du prophète : "Il donne la
nourriture à toute chair," expriment la même pensée que celles du Sauveur : "Il
fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les
justes et sur les injustes." (Mt 5,45). C'est-à-dire, qu'Il donne la nourriture
non seulement aux hommes justes et vertueux, mais aux pécheurs et aux impies, et
à la nature humaine tout entière, en un mot, à tous les hommes, ce qui proclame
hautement le souverain domaine de Dieu. Voyez-vous comment l'ensemble et le
détail de ce psaume a surtout pour but de nous amener à la connaissance de Dieu
? Le prophète a débuté et il finit aussi par des considérations générales. Il
nous a décrit le soleil, la lune, les éclairs, la pluie, qui ne sont pas
restreints à une seule partie de l'univers, et en terminant il parle de la
nourriture commune de tous les êtres. Puis, lorsqu'il a ainsi établi par ces
faits l'action générale de la Providence, il ajoute : "Louez le Dieu du ciel,
parce que sa Miséricorde est éternelle." Rien ne prouve aussi plus clairement
qu'Il est le Dieu des régions inférieures, comme des régions célestes, et que sa
Providence et sa Sollicitude s'étendent à toutes les parties de la création.
Offrons-Lui donc nos actions de grâces, pour les bienfaits communs, comme pour
ceux qui nous sont particuliers, afin de reconnaître sa Bonté, son Amour, sa
Puissance, sa Sollicitude. Soyons toujours fidèles à ce devoir, comme le
psalmiste nous y engage : "Louez le Seigneur, parce que sa Miséricorde est
éternelle." C'est là le vrai sacrifice, la véritable offrande; voilà ce qui nous
rend Dieu propice, et nous assure sa Bienveillance.
Puissions-nous tous l'obtenir par la Grâce et la Bonté de notre
Seigneur Jésus Christ, à qui soit la gloire et le règne dans les siècles des
siècles. Amen.
- Jean Chrysostome