Pascal, Blaise, 858
L'histoire de l'Église doit être proprement
appelée l'histoire de la vérité.
Pascal, Blaise, 859
Il y a plaisir d'être dans un vaisseau battu de
l'orage, lorsqu'on est assuré qu'il ne périra point. Les
persécutions qui travaillent l'Église sont de cette nature.
Pascal, Blaise, 860
Après tant de marques de piété, ils
[les jansénistes] ont encore la persécution, qui est la meilleure
des marques de la piété.
Pascal, Blaise, 861
Bel état de l'Église quand elle n'est plus
soutenue que de Dieu.
Pascal, Blaise, 862
L'Église a toujours été combattue
par des erreurs contraires, mais peut-être jamais en même temps,
comme à présent. Et si elle en souffre plus, à cause
de la multiplicité d'erreurs, elle en reçoit cet avantage
qu'elles se détruisent.
Elle se plaint des deux, mais bien plus des calvinistes,
à cause du schisme.
Il est certain que plusieurs des deux contraires sont
trompés, il faut les désabuser.
La foi embrasse plusieurs vérités qui semblent
se contredire. Temps de rie, de pleurer, etc.
La source en est l'union des deux natures en Jésus-Christ;
et aussi les deux mondes (La création d'un nouveau ciel et nouvelle
terre; nouvelle vie, nouvelle mort; toutes choses doublées, et les
mêmes noms demeurant); et enfin les deux hommes qui sont dans les
justes (car ils sont les deux mondes, et un membre et image de Jésus-Christ.
Et ainsi tous les noms leur conviennent, de justes, pécheurs; mort,
vivant; élu, réprouvé, etc.).
Il y a donc un grand nombre de vérités,
et de foi et de morale, qui semblent répugnantes, et qui subsistent
toutes dans un ordre admirable. La source de toutes les hérésies
est l'exclusion de quelques-unes de ces vérités; et la source
de toutes les objections que nous font les hérétiques est
l'ignorance de quelques-unes de nos vérités.
Et d'ordinaire il arrive que, ne pouvant concevoir le
rapport des deux vérités opposées, et croyant que
l'aveu de l'une enferme l'exclusion de l'autre, ils s'attachent à
l'une, ils excluent l'autre, et pensent que nous, au contraire. Or l'exclusion
est la cause de leur hérésie; et l'ignorance que nous tenons
l'autre, cause leurs objections.
Premier exemple: Jésus-Christ est Dieu et homme.
Les ariens, ne pouvant allier ces choses qu'ils croient
incompatibles, disent qu'il est homme: en cela ils sont catholiques. Mais
ils nient qu'il soit Dieu: en cela ils sont hérétiques. Ils
prétendent que nous nions son humanité: en cela ils sont
ignorants.
Deuxième exemple: sur le sujet du Saint Sacrement:
Nous croyons que la substance du pain étant changée,
et transsubstantiée en celle du corps de Notre-Seigneur, Jésus-Christ
y est présent réellement. Voilà une des vérités.
Une autre est que ce Sacrement est aussi une figure de la croix et de la
gloire, et une commémoration des deux. Voilà la foi catholique,
qui comprend ces deux vérités qui semblent opposées.
L'hérésie d'aujourd'hui, ne concevant pas
que ce Sacrement contienne tout ensemble et la présence de Jésus-Christ
et sa figure, et qu'il soit sacrifice et commémoration de sacrifice,
croit qu'on ne peut admettre l'une de ces vérités sans exclure
l'autre pour cette raison.
Ils s'attachent à ce point seul, que ce Sacrement
est figuratif; et en cela ils ne sont pas hérétiques. Ils
pensent que nous excluons cette vérité; de là vient
qu'ils nous font tant d'objections sur les passages des Pères qui
le disent. Enfin ils nient la présence; et en cela ils sont hérétiques.
Troisième exemple: les indulgences
C'est pourquoi le plus court moyen pour empêcher
les hérésies est d'instruire de toutes les vérités;
et le plus sûr moyen de les réfuter est de les déclarer
toutes. Car que diront les hérétiques?
Pascal, Blaise, 863
Tous errent d'autant plus dangereusement qu'ils suivent
chacun une vérité, leur faute n'est pas de suivre une fausseté,
mais de ne pas suivre une autre vérité.
Pascal, Blaise, 864
La vérité est si obscurcie en ce temps,
et le mensonge si établi, qu'à moins que d'aimer la vérité,
on ne saurait la connaître.
Pascal, Blaise, 865
S'il y a jamais un temps auquel on doive faire profession
des deux contraires, c'est quand on reproche qu'on en omet un. Donc les
Jésuites et les Jansénistes ont tort en les célant:
mais les Jansénistes plus, car les Jésuites en ont mieux
fait profession des deux.
Pascal, Blaise, 866
Deux sortes de gens égalent les choses, comme les
fêtes aux jours ouvriers, les chrétiens aux prêtres,
tous les péchés entre eux, etc. Et de là les uns concluent
que ce qui est mal aux prêtres l'est aussi aux chrétiens;
et les autres, que ce qui n'est pas mal aux chrétiens est permis
aux prêtres.
Pascal, Blaise, 867
Si l'ancienne Église était dans l'erreur,
l'Église est tombée. Quand elle y serait aujourd'hui, ce
n'est pas de même; car elle a toujours la maxime supérieure
de la tradition, de la créance de l'ancienne Église; et ainsi
cette soumission et cette conformité à l'ancienne Église
prévaut et corrige tout. Mais l'ancienne Église ne supposait
pas l'Église future et ne la regardait pas, comme nous supposons
et regardons l'ancienne.
Pascal, Blaise, 868
Ce qui nous gâte pour comparer ce qui s'est passé
autrefois dans l'Église à ce qui s'y voit maintenant, est
qu'ordinairement on regarde saint Athanase, sainte Thérèse,
et les autres, comme couronnés de gloire et jugés avant nous
comme des dieux. A présent que le temps a éclairci les choses,
cela paraît ainsi. Mais au temps où on le persécutait,
ce grand saint était un homme qui s'appelait Athanase; et sainte
Thérèse, une folle. «Élie était un homme
comme nous, et sujets aux même passions que nous» dit saint
[Jacques], pour désabuser les Chrétiens de cette fausse idée
qui nous fait rejeter l'exemple des saints, comme disproportionné
à notre état. «C'étaient des saint, disons-nous,
ce n'est pas comme nous». Que se passait-il alors? Saint Athanase
était un homme appelé Athanase, accusé de plusieurs
crimes, condamné en tel et tel concile, pour tel et tel crime; tous
les évêques y consentent, et le pape enfin. Que dit-on à
ceux qui y résistent? Qu'ils troublent la paix, qu'ils schisme,
etc.
Brunschvicg: Allusion aux luttes que saint Athanase, patriarche
d'Alexandrie soutient contre les Ariens; accusé de viol, de meurtre,
de sacrilège, il fut condamné par le conciles de Tyr, d'Arles,
de Milan, abandonné enfin par le pape Libère qui, après
une longue résistance, ratifia sa condamnation. Il fut cependant
définitivement vainqueur, Saint Athanase est mis ici pour Arnauld,
comme sainte Thérèse, la réformatrice des Carmélites,
est mise pour la mère Angélique.
Pascal, Blaise, 870
Dieu n'a pas voulu absoudre sans l'Église; comme
elle a part à l'offense, il veut qu'elle ait part au pardon. Il
l'associe à ce pouvoir comme les rois les parlements; mais si elle
absout ou si elle lie sans Dieu, ce n'est plus l'Église: comme au
parlement; car encore que le roi ait donné grâce à
un homme, si faut-il qu'elle soit entérinée; mais si le parlement
entérine sans le roi ou s'il refuse d'entériner sur l'ordre
du roi, ce n'est plus le parlement du roi, mais un corps révolté.
Pascal, Blaise, 871 Église, pape, Unité,
multitude.
En considérant l'Église comme unité,
le Pape, qui en est le chef, est comme tout. En la considérant comme
multitude, le Pape n'en est qu'une partie. Les Pères l'ont considérée,
tantôt en une manière, tantôt en l'autre. Et ainsi ont
parlé diversement du pape. (Saint Cyprien: Sacerdos Dei.) Mais en
établissant une de ces deux vérités, ils n'ont pas
exclu l'autre. La multitude qui ne se réduit pas à l'unité
est confusion; l'unité qui ne dépend pas de la multitude
est tyrannie.
Il n'y a presque plus que la France où il soit
permis de dire que le Concile est au-dessus du Pape.
Pascal, Blaise, 872
Le Pape est premier. Quel autre est connu de tous? Quel
autre est reconnu de tous, ayant pouvoir d'insinuer tout le corps, par
ce qu'il tient la maîtresse branche, qui s'insinue partout? Qu'il
était
aisé de faire dégénérer cela en tyrannie! C'est
pourquoi Jésus-Christ leur a posé ce précepte: Vos
autem non sic. = Il n'en sera pas de même parmi vous.
Pascal, Blaise, 873
Le Pape hait et craint les savants, qui ne lui sont pas
soumis par voeu.
Pascal, Blaise, 874
Il ne faut pas juger de ce qu'est le Pape par quelques
paroles des Pères, comme disaient les Grecs dans un concile, règles
importantes, mais par les actions de l'Église et des Pères,
et par les canons.
Duo aut tres. In unum = Deux ou trois. En un. L'unité
et la multitude: Erreur à exclure l'une des deux, comme font les
papistes qui excluent la multitude, ou les huguenots qui excluent l'unité.
Pascal, Blaise, 875
Le Pape serait-il déshonoré, pour tenir
de Dieu et de la tradition ses lumières? et n'est-ce pas le déshonorer
de le séparer de cette sainte union?
Pascal, Blaise, 877
Les rois disposent de leur empire; mais les Papes ne peuvent
disposer du leur.
Pascal, Blaise, 880
On aime la sûreté. On aime que le Pape soit
infaillible en la foi, et que les docteurs graves le soient dans leurs
moeurs, afin d'Avoir son assurance.
Pascal, Blaise, 881
L'Église enseigne et Dieu inspire, l'un et l'autre
infailliblement. L'opération de l'Église ne sert qu'à
préparer à la grâce ou à la condamnation. Ce
qu'elle fait suffit pour condamner, non pour inspirer.
Pascal, Blaise, 882
Toutes les fois que les Jésuites surprendront le
Pape, on rendra toute la chrétienté parjure.
Le Pape est très aisé à être
surpris à cause de ses affaires et de la créance qu'il a
aux Jésuites; et les Jésuites en sont très capables
de surprendre à cause de la calomnie.
Pascal, Blaise, 883
Les malheureux, qui nous ont obligés de parler
du fond de la religion.
Pascal, Blaise, 884
Des pécheurs purifiés sans pénitence,
des justes sanctifiés sans charité, tous les chrétiens
sans la grâce de Jésus-Christ, Dieu sans pouvoir sur la volonté
des hommes, une prédestination sans mystère, une rédemption
sans certitude!
Pascal, Blaise, 885
Est fait prêtre qui veut l'être, comme sous
Jéroboam. C'est une chose horrible qu'on nous propose la discipline
de l'Église d'aujourd'hui pour tellement bonne, qu'on fait un crime
de la vouloir changer.
Autrefois elle était bonne infailliblement, et
on trouve qu'on a pu la changer sans péché; et maintenant,
telle qu'elle est, on ne la pourra souhaiter la changée!
Il a bien été permis de changer la coutume
de ne faire des prêtres qu'avec tant de circonspection, qu'il n'y
en avait presque point qui en fussent dignes; et il ne sera pas permis
de se plaindre de la coutume qui en fait tant d'indignes!
Pascal, Blaise, 886 Hérétiques
Ézéchiel. Tous les païens disaient
du mal d'Israël, et le prophète aussi: et tant s'en faut que
les Israélites eussent droit de lui dire: «Vous parlez comme
les païens» qu'il fait sa plus grande force sur ce que les païens
parlent comme lui.
Pascal, Blaise, 887
Les jansénistes ressemblent aux hérétiques
par la réformation des moeurs; mais vous leur ressemblez en mal.
Pascal, Blaise, 888
Vous ignorez les prophéties si vous ne savez que
tout cela doit arriver: princes, prophètes, Pape, et même
les prêtres; et néanmoins l'Église doit subsister.
Par la grâce de Dieu nous n'en sommes pas là. Malheur à
ces prêtres! mais nous espérons que Dieu nous fera la miséricorde
que nous n'en serons point.
Saint Pierre, chap. 2: faux prophètes passés,
images des futurs
Pascal, Blaise, 889
... De sorte que s'il est vrai, d'une part, que quelques
religieux relâchés et quelques casuistes corrompus, qui ne
sont pas membres de la hiérarchie, ont trempé dans ces corruptions,
il est constant, de l'autre, que les véritables pasteurs de l'Église,
qui sont les véritables dépositaires de la parole divine,
l'ont conservée immuablement contre les efforts de ceux qui ont
entrepris de la ruiner.
Et ainsi les fidèles n'ont aucun prétexte
de suivre ces relâchements, qui ne leur sont offerts que par les
mains étrangères de ces casuistes, au lieu de la saine doctrine
qui leur est présentée par les mains paternelles de leurs
propres pasteurs.
Et les impies et les hérétiques n'ont aucun
sujet de donner ces abus pour marques du défaut de la providence
de Dieu sur son Église, puisque, l'Église étant proprement
dans le corps de la hiérarchie, tant s'en faut qu'on puisse conclure
de l'état présent des choses que Dieu l'ait abandonnée
à la corruption, qu'il n'a jamais mieux paru qu'aujourd'hui que
dieu la défend visiblement de la corruption.
Car si quelques-uns de ces hommes qui, par une vocation
extraordinaire, ont fait profession de sortir du monde et de prendre l'habit
religieux pour vivre dans un état plus parfait que le commun des
chrétiens, sont tombés dans des égarements qui font
horreur au commun des chrétiens et sont devenus ce que les faux
prophètes étaient entre les juifs, c'est un malheur particulier
et personnel qu'il faut à la vérité déplorer,
mais dont on ne peut rien conclure contre le soin que Dieu prend de son
Église; puisque toutes ces choses sont si clairement prédites,
et qu'il a été annoncé depuis si longtemps que ces
tentations s'élèveraient de la part de ces sortes de personnes;
et que quand on est bien instruit on voit plutôt en cela des marques
de la conduite de Dieu que de son oubli à notre égard.
Pascal, Blaise, 890
Tertullien: nunquam Ecclesia reformabitur. = L'Église
ne sera jamais réformée.
Pascal, Blaise, 891
Il faut faire connaître aux hérétiques
qui se prévalent de la doctrine des jésuites que [ce n'est
pas] celle de l'Église; et que nos divisions ne nous séparent
pas d'autel.
Pascal, Blaise, 892
Si en différant nous condamnions, vous auriez raison.
L'uniformité sans diversité inutile aux autres, la diversité
sans uniformité ruineuse pour nous. - L'une nuisible au dehors,
l'autre nuisible au dedans.
Pascal, Blaise, 893
En montrant la vérité on la fait croire;
mais en montrant l'injustice des maîtres, on ne la corrige pas.
Pascal, Blaise, 894
Ceux qui aiment l'Église se plaignent de voir corrompre
les moeurs; mais au moins les lois subsistent. Mais ceux qui corrompent
les lois: le modèle est gâté.
Pascal, Blaise, 896
C'est en vain que l'Église a établi ces
mots d'anathèmes, hérésies, etc. on s'en sert contre
elle.
Pascal, Blaise, 897
Le serviteur ne sait que ce que le maître fait,
car le maître lui dit seulement l'action et non la fin; et c'est
pourquoi il s'y assujettit servilement et pèche souvent contre la
fin. Mais Jésus-Christ nous a dit la fin. Et vous détruisez
cette fin.
Pascal, Blaise, 898
Ils ne peuvent avoir la perpétuité, et ils
cherchent l'universalité; et pour cela, ils font toute l'Église
corrompue, afin qu'ils soient sains.
Pascal, Blaise, 900
Qui veut donner le sens de l'Écriture et ne le
prend point de l'Écriture, est ennemi de l'Écriture.
Pascal, Blaise, 901
«Humilibus dat gratium»; an ideo non dedit
humilitatem? = Aux humbles il donne la grâce Ja.4:6; est-ce qu'il
ne leur a pas donné l'humilité? Les siens ne l'ont pas reçu;
tous ceux qui ne l'ont pas reçu n'étaient-ils pas de siens?
Pascal, Blaise, 902
«Il faut bien, dit le Feuillant, que cela ne soit
pas si certain, car la contestation marque l'incertitude (saint Athanase,
saint Chrysostome; la morale, les infidèles).»
Les jésuites n'ont pas rendu la vérité
incertaine, mais ils ont rendu leur impiété certaine.
La contradiction a toujours été laissée,
pour aveugler les méchants; car tout ce qui choque la vérité
ou la charité est mauvais: voilà le vrai principe.
Pascal, Blaise, 903
Toutes les religions et les sectes du monde ont eu la
raison naturelle pour guide. Les seuls Chrétiens ont été
astreints à prendre leurs règles hors d'eux-mêmes,
et à s'informer de celles que Jésus-Christ a laissées
aux anciens pour être retransmises aux fidèles. Cette contrainte
lasse ces bons Pères. Ils veulent avoir comme les autres peuples
la liberté de suivre leurs imaginations. C'est en vain que nous
leur crions, comme les prophètes disaient autrefois aux juifs: «Allez
au milieu de l'Église; informez-vous des lois que les anciens lui
ont laissées, et suivez ces sentiers» Jé.6:16, Ils
ont répondu comme les juifs: «Nous n'y marcherons pas: mais
nous suivrons les pensées de notre coeur» et ils nous dit:
«nous serons comme les autres peuples.» Jé.18:12.
Pascal, Blaise, 904
Ils font de l'exception la règle.
Les anciens ont donné l'absolution avant la pénitence?
Faites-le en esprit d'exception. Mais, de l'exception,
vous faites une règle sans exception, en sorte que vous ne voulez
plus même que la règle soit en exception.
Pascal, Blaise, 905 Sur les confessions et absolutions
sans marques de regret
Dieu ne regarde que l'intérieur: l'Église
ne juge que par l'extérieur. Dieu absout aussitôt qu'il voit
la pénitence dans le coeur; l'Église, quand elle la voit
dans les oeuvres. Dieu fera une Église pure au dedans, qui confonde
par sa sainteté intérieure et toute spirituelle l'impiété
intérieur des sages superbes et des pharisiens: et l'Église
fera une assemblée d'hommes, dont les moeurs extérieures
sont si pures, qu'elles confondent les moeurs des païens. S'il y en
a d'hypocrites, mais si bien déguisés qu'elle n'en reconnaisse
pas le venin, elle les souffre; car, encore qu'ils ne soient pas reçus
de Dieu, qu'ils ne peuvent tromper, ils le sont des hommes, qu'ils trompent.
Et ainsi elle n'est pas déshonorée par leur conduite, qui
paraît sainte.
Mais vous voulez que l'Église ne juge, ni de l'intérieur,
parce que cela n'appartient qu'à Dieu, ni de l'extérieur,
parce que Dieu ne s'arrête qu'à l'intérieur; et ainsi,
lui ôtant tout choix des hommes, vous retenez dans l'Église
les plus débordés, et ceux qui la déshonorent si fort,
que les synagogues des juifs et les sectes des philosophes les auraient
exilés comme indignes, et les auraient abhorrés comme impies.
Pascal, Blaise, 906
Les conditions les plus aisées à vivre selon
le monde sont les plus difficiles à vivre selon Dieu; et au contraire,
rien n'est si difficile selon le monde que la vie religieuse; rien n'est
plus facile que de la passer selon Dieu.
Rien n'est plus aisé que d'être dans une
grande charge et dans de grands biens selon le monde; rien n'est plus difficile
que d'y vivre selon Dieu, et sans y prendre de part et de goût.
Pascal, Blaise, 907
Les casuistes soumettent la décision à la
raison corrompue et le choix des décisions à la volonté
corrompue, afin que tout ce qu'il y a de corrompu dans la nature de l'homme
ait part à sa conduite.
Pascal, Blaise, 909
Toute la société entière de leurs
casuistes ne peut assurer la conscience dans l'erreur, et c'est pourquoi
il est important de choisir de bons guides.
Ainsi, ils seront doublement coupables: et pour avoir
suivi des voies qu'ils ne devraient pas suivre, et pour avoir ouï
des docteurs qu'ils ne devaient pas ouïr.
Pascal, Blaise, 911
Faut-il tuer pour empêcher qu'il n'y ait des méchants?
c'est d'en faire deux au lieu d'un: vince in bono malum - St-Augustin =
Vainc le mal par le bien
Pascal, Blaise, 915
Ridicule de dire qu'une récompense éternelle
est offerte à des moeurs escobartines.
Dictionnaire étymologique Larousse: escobar: 17ème
siècle, Pascal, nom propre et au figuré., du nom du jésuite
Escobar, pris à partie dans les Provinciales.
Pascal, Blaise, 916
Ils ont quelques principes vrais; mais ils en abusent.
Or, l'abus des vérités doit être autant puni que l'introduction
du mensonge.
Pascal, Blaise, 918 Manuscrit de l'abbé Périer
Que serait-ce que les jésuites sans la probabilité
et que la probabilité sans les Jésuites. Ôtez la probabilité,
on ne peut plus plaire au monde; mettez la probabilité, on ne peut
plus lui déplaire. Autrefois il était difficile d'éviter
les péchés et difficile de les expier; maintenant, il est
facile de les éviter, par mille tours et facile de les expier.
Ils disent que l'Église dit ce qu'elle ne dit pas,
et qu'elle ne dit pas ce qu'elle dit.
Pascal, Blaise, 919
Ce sont les effets des péchés des peuples
et des Jésuites: les grands ont souhaité d'être flattés:
les Jésuites ont souhaité être aimés des grands.
Ils ont tous été dignes d'être abandonnés à
l'esprit du mensonge, les uns pour tromper, les autres pour être
trompés. Ils ont été avares, ambitieux, voluptueux
Coacervabunt sibi magistros.
Dignes disciples de tels maîtres, digni sunt, ils
ont cherché des flatteurs et en ont trouvé.
Pascal, Blaise, 920
Le silence est la plus grande persécution: jamais
les saints ne se sont us. Il est vrai qu'il faut vocation, mais ce n'est
pas des arrêts du Conseil qu'il faut apprendre si on est appelé,
c'est de la nécessité de parler.
Brunschvicg: Arrêt du 25 juin 1657 supprimant la
lettre de Pascal touchant l'Inquisition
Pascal, Blaise, 920
Or, après que Rome a parlé, et qu'on pense
qu'il a condamné la vérité,
Brunschvicg: Bulle d'Alexandre VII condamnant Jansénius
31 mars 1657
Pascal, Blaise, 920
et qu'ils l'ont écrit; et que les livres qui ont
dit le contraire sont censurés, il faut crier d'autant plus haut
qu'on est censuré plus injustement, et qu'on veut étouffer
la parole plus violemment, jusqu'à ce qu'il vienne un Pape qui écoute
les deux parties, et qui consulte l'antiquité pour faire justice.
Aussi les bons Papes trouveront encore l'Église en clameurs.
L'Inquisition et la Société [de Jésus;
les jésuites], les deux fléaux de la vérité.
Si mes lettres sont condamnées à Rome, ce
que j'y condamne est condamné dans le ciel: Ad tuum, Domine Jesu,
tribunal appello. = A ton tribunal, Seigneur Jésus, j'en appelle.
J'ai craint que je n'eusse mal écrit, me voyant
condamné, mais l'exemple de tant de pieux écrits me fait
croire le contraire. Il n'est plus permis de bien écrire, tant l'Inquisition
est corrompue ou ignorante!
«Il est meilleur d'obéir à Dieu qu'aux
hommes.»
Je ne crains pas même vos censures pareilles, si
elles ne sont fondées sur celles de la tradition. Censurez-vous
tout? Quoi! même mon respect? Non. Donc dites quoi, ou vous ne ferez
rien, si vous ne désignez le mal, et pourquoi il est mal. Et c'est
ce qu'ils auront bien peine à faire.
Pascal, Blaise, 921
... Un bâtiment également beau par dehors,
mais sur un mauvais fondement, les païens sages le bâtissaient;
et le diable trompe les hommes par cette ressemblance apparente fondée
sur le fondement le plus différent.
Jamais homme n'a eu si bonne cause que moi; et jamais
d'autres n'ont donné si belle prise que vous...
Plus ils marquent de faiblesse en ma personne, plus ils
autorisent ma cause.
Vous dites que je suis hérétique. Cela est-il
permis? Et si vous ne craignez pas que les hommes ne rendent justice, ne
craignez-vous point que Dieu me la rende?
Je suis seul contre trente mille? Point. Gardez, vous
la cour, vous l'imposture; moi la vérité: c'est toute ma
force; si je la perds, je suis perdu. Je ne manquerai pas d'accusateurs
et de punisseurs. Mais j'ai la vérité, et nous verrons qui
l'emportera.
Je ne mérite pas de défendre la religion,
mais vous ne méritez pas de défendre l'erreur. Et j'espère
que Dieu par sa miséricorde, n'ayant pas égard au mal qui
est en moi, et ayant égard au bien qui est en vous, nous fasse à
tous la grâce que la vérité ne succombe jamais entre
mes mains et que le mensonge ne...
Pascal, Blaise, 923
Ce n'est point l'absolution seule qui remet les péchés
au sacrement de Pénitence, mais la contrition, qui n'est point véritable
si elle ne recherche le sacrement.