Alors que dans les Écritures, l'Église est comparée à une fiancée et une épouse, les Pères de l'Église, vers 175-200 ap. J.C., à la suite de Tertullien puis d'Irénée de Lyon, y ont vu rapidement des analogies avec une mère.
Tertullien montre comment la création d'Eve à partir de la côte d'Adam préfigurait la naissance de l'Église du côté entrouvert du Seigneur:
De même qu'Adam était une figure de Christ, le sommeil d'Adam préfigurait la mort de Christ, qui devait dormir du sommeil de la mort, en sorte que la blessure infligée à son côté préfigure l'Église, la véritable mère des vivants.
Dans son livre «Le Pédagogue», Clément d'Alexandrie, vers 180, appelle cette Église la vierge-mère, qui donne à ses enfants le lait de la Parole divine:
«O Mystère admirable! Unique est le Père de toutes choses, unique aussi le Logos (Parole = Jésus) de toutes choses, et le Saint-Esprit est un et identique en tous lieux. Il n'y a enfin qu'une seule Vierge-Mère; j'aime l'appeler l'Église. Cette mère, laissée à elle seule, n'avait pas de lait, car elle seule n'est pas devenue femme. Mais elle est à la fois vierge et mère, sans souillure comme une vierge, et aimante comme une mère. Appelant à elle ses enfants, elle les nourrit avec un lait de sainteté, le Logos destiné aux enfants... La Mère attire à elle ses enfants et nous cherchons notre Mère, l'Église... O nourrissons de sa pédagogie bienheureuse! Achevons (par notre présence) la figure superbe de l'Église, et courons comme des enfants, à notre bonne Mère. Nous faisant les auditeurs de la Parole, exaltons la dispensation bienheureuse selon laquelle l'homme est élevé et sanctifié comme un enfant de Dieu, et, après les épreuves de la terre, acquiert le droit de cité du ciel, où il reçoit son Père, qu'il apprend à connaître sur la terre.»
Augustin vers 380 ap. J.C., applique Ca.4:12-13 à l'Église
Cantiques 4:12 Tu es un jardin fermé, ma soeur, ma fiancée, une source fermée, une fontaine scellée.
13 Tes jets forment un jardin, où sont des grenadiers, avec les fruits les plus excellents
«J'applique ce passage seulement à ceux qui sont saints et justes, pas aux cupides, fraudeurs, accapareurs, ivrognes et envieux. Ces derniers partagent un même baptême avec le juste mais ils ne partagent pas le même amour. Comment ont-ils pénétré dans «le jardin fermé, la fontaine scellée»? Comme Cyprien le mentionnait, ils ont renoncé au monde seulement en paroles, pas en action et cependant, admet-il, ils se trouvent dans l'Église. S'ils y sont et forment «l'Épouse de Christ», est-ce réellement une «épouse sans tâche ni ride»? Est-ce que cette belle colombe est souillée par une telle partie de ses membres?... Il y en a qui vivent méchamment présentement; ils peuvent avoir même sombré dans des hérésies ou des superstitions païennes; cependant le «Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent.» Car dans la prescience ineffable de Dieu, plusieurs qui semblent au dehors sont en dedans et plusieurs qui semblent en dedans sont au dehors.»
Méthode, vers 300 ap. J.C., comparait l'Église à la seconde Ève:
«Pourquoi l'apôtre rapporte-t-il directement au Christ les paroles dites au sujet d'Adam? Pour que nous reconnaissions en toute certitude que l'Église est formée de ses os et de sa chair. C'est pour elle que la Parole, laissant son Père au ciel, descendit pour «s'unir à son Épouse», Ep.5:31, et s'endormit dans l'extase de la souffrance, se livrant volontairement à la mort pour elle. Il voulait en tout cela se présenter à lui-même une Église glorieuse et sans tache, pour qu'elle puisse recevoir la semence spirituelle et bienheureuse, cette semence de celui qui, avec des soupirs, l'enfouit dans les profondeurs de l'esprit. L'Église reçoit cette semence comme une femme, la conçoit et la forme, jusqu'à ce qu'elle donne naissance et accroissement à la vertu. De cette manière, le commandement «Croissez et multipliez» Ge.1:18 trouve ainsi son accomplissement: L'Église croît tous les jours en grandeur, beauté et nombre, par l'union et la communion de la Parole.»
Irénée de Lyon vers 175 ap. J.C. la compare au jardin d'Eden:
«Il faut nous réfugier auprès de l'Église, nous allaiter de son sein et nous nourrir des Écritures de notre Seigneur. Car l'Église a été plantée comme un paradis dans le monde.»
Son disciple Hippolyte se représente l'Église sous la forme d'un vaisseau faisant voile vers le paradis céleste, guidé par le Christ son pilote: «La mer est le monde. L'Église y est comme un navire ballotté sur l'abîme. Mais il n'est pas détruit, car il possède un pilote habile, le Christ.»
Origène, vers 210 ap. J.C., est le premier à déclarer que l'Église est la cité de Dieu. Elle vit pour le moment côte à côte avec l'État; un État dans un autre État, mais la puissance du Logos qui opère en elle, finira par triompher de l'empire séculier. Il ne peut y avoir de salut en dehors de cette Église.
Intéressement, à mesure qu'il s'approchait du montanisme, Tertullien en vint à considérer de plus en plus le corps des fidèles comme un groupe purement et exclusivement spirituel, inspiré directement du Saint-Esprit sans l'approbation des évêques de l'Église «organisée» avec sa succession apostolique. Cela rejoint la pensée protestante d'où est sorti le mouvement évangélique. Tertullien raconte dans son dernier livre:
«L'Église est proprement et principalement l'Esprit lui-même, en qui réside la Trinité de l'unique Divinité - Père, Fils et Saint-Esprit. L'Esprit organise cette Église que le Seigneur a fait pour être en «trois». C'est pourquoi, depuis ce temps, tout nombre de personnes réunies ensemble dans cette foi constitue «une Église», aux yeux de l'Auteur et Consécrateur. Et, certes, il est vrai que «l'Église» pardonne les péchés, mais ce sera l'Église de l'Esprit, par l'intermédiaire d'un homme spirituel, et non l'Église assemblée d'évêques.»
Cyprien, vers 250, réagit fortement à cet enseignement, il rejette sur les démons la cause des schismes et des hérésies. Il est inconcevable pour lui que l'Église catholique ait déviée doctrinalement alors ce sont nécessairement ceux qui s'en sont détachés qui sont dans l'erreur. Pour lui, il n'existe qu'une seule église, celle fondée sur Pierre et la succession apostolique, il n'y a pas de salut hors de cette Église:
«Celui qui ne s'attache pas à cette unité de l'Église, croit-il qu'il reste attaché à la foi? Celui qui résiste et fait opposition à l'Église, est-il bien sûr d'être dans l'Église? ... Cette unité, nous devons la retenir, la revendiquer fermement, nous autres surtout, les évêques, qui présidons dans l'Église, afin de prouver que l'épiscopat est également un et indivisible... La dignité épiscopale est une; et chaque évêque en possède une parcelle sans division du tout; et il n'y a qu'une seule Église qui, par sa fécondité toujours croissante, embrasse une multitude toujours plus ample. Le soleil envoie beaucoup de rayons, mais sa source lumineuse est unique; l'arbre se divise en beaucoup de branches, mais il n'y a qu'un tronc vigoureux, appuyé sur des racines tenaces; d'une source découlent bien des ruisseaux; cette multiplicité ne s'épanche, semble-t-il, que grâce à la surabondance des eaux, et pourtant tout se ramène à une origine unique. Séparez un rayon solaire de la masse du soleil, l'unité de la lumière ne supporte pas un tel fractionnement. Arrachez une branche à un arbre: le rameau brisé ne
pourra plus germer. Coupez un ruisseau de sa source, l'élément tronqué tarit. Il en va de même de l'Église du Seigneur: elle diffuse dans l'univers entier les rayons de sa lumière, mais une est la lumière qui se répand ainsi partout, l'unité du corps ne se morcelle pas. Elle étend sur toute la terre ses rameaux d'une puissance vitalité, elle épanche au loin ses eaux surabondantes. Il n'y a cependant qu'une seule source, qu'une seule origine, qu'une seule mère, riche des réussites successives de sa fécondité. C'est elle qui nous engendre, c'est son lait qui nous nourrit, c'est son esprit qui nous anime. On ne peut avoir Dieu pour Père quand on n'a pas l'Église pour mère.»
Jérôme, qui a traduit la Bible en latin vers 375 ap. J.C., tient un langage similaire:
«Je ne suis aucun chef suprême sinon Christ; par conséquent j'entre en communion avec votre Béatitude, qui est le siège de Pierre. Je sais que l'Église est construite sur ce roc. Quiconque mange de l'agneau pascal en dehors de cette maison (Exode 12:46) est profanateur. Quiconque n'est pas dans l'arche de Noé périra quand viendra le déluge.»
Les Réformateurs Martin Luther et Jean Calvin, à la suite de Wycliffe, ont fait une distinction entre l'église visible et l'église invisible, affirmant que l'Église invisible est composée des élus seulement. Par conséquent, une personne, si pape soit-elle, peut faire partie de l'Église visible sans pour autant faire partie de la vraie Église qui est invisible.